[RP] Zcyn

Histoires et aventures role-play (Rappelz, Allods, Aion ou autre jeu)

Re: [RP] Zcyn

Messagepar Sairen » Ven 26 Mai 2017 15:10

La fin était pesante puis, Zcyn !?

Je ris que je ris, ça faisait longtemps, j'ai toujours hâte de voir la suite
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Sairen
 
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Re: [RP] Zcyn

Messagepar zcyn » Mer 6 Déc 2017 19:04

Zcyn LXI

Pauvres fous




« Mais allez, quoi » tenta MissPiggy d’un ton plaintif « rien qu’un peu plus d’ombre à paupières, juste pour soulign… »
« Non, Piggy » répondit sèchement la gouvernante, « Vous vous en êtes déjà mis largement assez. Je vous rappelle que vous n’êtes pas candidate. Une élégance austère est ce qui sied à votre fonction d’aujourd’hui. »

MissPiggy soupira. Maudite gouvernante ! Affectueuse à sa façon. Mais quand elle disait non, c’était non.
Elle se consola à la pensée que dans une pièce voisine du manoir MoneyPenny, sa cousine Tashia, assistée de sa propre gouvernante, devrait elle aussi se contenter aujourd’hui d’un maquillage minimaliste, en vue de la cérémonie de remise des prix. Sauf qu’en plus, elle resterait dans la foule, debout, anonyme. Tashia n’était que remplaçante. Alors qu’elle, MissPiggy serait sur scène, avec le président du comité, entourée des notables de Rondo, et que c’est elle qui remettrait la médaille d’or à la gagnante du concours « Miss Maquillage ». Tout sourire, elle ferait la bise à la lauréate, lui prendrait la main, la lèverait tout en se tournant vers la foule, et recevrait sa part d’applaudissements.

La gouvernante la tira de sa rêverie. Un coursier venait de remettre un pli.
« Piggy, un message du haut conseiller diplomatique de votre Guilde. Il vous enjoint d’aller aux Mines retrouver votre guildie Znyc ou Zync, je n’arrive pas à lire. »
« DarkMatter ? Il veut que j’aille voir Zcyn ? C’est que… »
« Piggy, vous avez largement le temps ! La cérémonie n’est qu’en fin d’après-midi. Plus vite vous serez partie, plus vite vous serez revenue. »

C’est ainsi que MissPiggy se retrouva sur les pentes escarpées menant aux Mines, répétant mentalement ses saluts, ses poses et ses sourires, pendant que son Lydian des sables distançait aisément les Burlocks, ces petits orcs qui avaient colonisé les lieux depuis que l’exploitation des deux mines avait pris fin. Individuellement faibles, ces créatures étaient redoutables en bande et fort capables de tactiques de groupe. Ils utilisaient à merveille le terrain à leur avantage. Sentiers étroits propices aux embuscades. Eboulis de pierres instables rendant toute chute mortelle. Nombre d’aventuriers trop pressés d’aller taquiner Taranida avaient fini en carpaccio avant même d’atteindre les portes du donjon.

Ce n’était cependant pas là que Zcyn l’attendait mais sur un plateau élevé, un des points culminants du site, d’où MissPiggy si elle avait eu l’âme plus poétique que cosmétique aurait pu s’adonner à la contemplation d’un panorama minéral et grandiose, laissant apercevoir la forêt de bambous au Sud et deviner Marduka au Nord.

Elle repéra bientôt sa guildie et mit pied à terre. L’assassine lui porta un regard interrogatif.

. « MissPiggy ? Mais qu’est-ce que tu viens faire là ? »

« C’est DarkMatter qui m’envoie » répondit la riche héritière de la famille MoneyPenny. « Il m’a dit que tu avais besoin d’un magicien de haut niveau. Lui n’avait pas le temps, plongé qu’il était dans des soit-disant recherches livresques, cruciales pour éclaircir un point très important, bla-bla-bla. Moi aussi je suis pressée d’ailleurs, à cause de la cérémonie, tu sais, qui lance la saison du maquillage et de la mode, et moi, en tant que multiple lauréate, je…
Bref, me voilà. Elémentaliste de Sixième rang MissPiggy, à ton service ! Un boss que tu as du mal à tuer ? Ah mais je vois que ta copine Enny est avec toi. Vous ne vous quittez plus, on dirait ! Elle a besoin d’un conseil beauté ? «

Elle se vexa en voyant Zcyn retenir à grand-peine un soupir de déception avant de répondre d’un ton accablé.

« Mais… oui, Enny est là. Elle a besoin d’aide. Ici, on la pourchasse, on ne la laisse pas en paix. Il faudrait qu’elle regagne son monde une bonne fois pour toutes. Il faut trouver un moyen. Et DarkMatter a étudié toute sa vie les portails, les langages anciens, les sorts, les dimensions. Alors que toi… »

MissPiggy avait l’habitude, elle avait entendu ça cent fois, et pas seulement de la part de Zcyn. Toi tu es riche, tout t’a toujours été donné, tu n’as jamais rien eu à apprendre, tes familiers et ton équipement ont gagné tous tes combats à ta place.
Et alors ? Est-ce qu’il fallait être pauvre pour être une vraie Villaine ? Est-ce qu’il fallait habiter une cabane misérable des abords de Katan pour être une vraie aventurière?

La mine sombre et découragée, Zcyn était revenue s’asseoir à côté de la Possédée, à l’ombre, dos à la paroi de roche noire. MissPiggy s’approcha.

« Je peux peut-être quand même aider.Qu’est-ce qu’elle a ? Elle a dû quitter le donjon Espoir à cause des monstres ? Ils sont trop costauds pour elle ? »

Enny la Possédée, déjà agacée que DarkMatter ait envoyé un sous-fifre, ne supporta pas d’entendre insinuer qu’elle puisse être une pauvre créature sans défense.

« Ne peut rien être plus faux ! Es d’une insondable… Ah, n’est pas de mots pour décrire… Etouffe d’indignation, préfère me taire. »

« Et tu comprends ce qu’elle dit ? » demanda l’héritière MoneyPenny, déroutée.

« On s’habitue. » répondit Zcyn en se levant et en commençant à arpenter le plateau d’un pas nerveux, cherchant manifestement que faire de la Possédée. Où la ramener.

« Tu vois, MissPiggy, ce ne sont pas les créatures de son donjon qui la traquent. Ce sont des groupes armés. Des aventuriers, des mercenaires. »

L’ élémentaliste se tourna vers Enny.

« Pourquoi donc ? Que se passerait-il si tu… »

« Si suis tuée? Ne sais. Sont deux solutions plus probables. La Sorcière, pour toujours reste ici, ou pour toujours est coincée dans le monde où a trouvé refuge. »

« Mais qui pourrait avoir intérêt à… »

« Les Roxxors d’un côté. Ah, et Karcinaum de l’autre » répondit Zcyn qui s’était rapprochée du ravin.

« Ma foi, en effet » convint MissPiggy, admirative et stupéfaite devant la capacité d’analyse de sa consoeur de guilde. « Si on en est débarrassés pour toujours, ça fait des Roxxors des héros, leur chef Kévin Oussetonne rentre dans l’Histoire. Et si elle reste définitivement, la menace est telle que cela nous oblige tous à nous ranger à la doctrine de Karcinaum, à cette course perpétuelle vers des sorts, des équipements plus performants… et plus coûteux. Bravo. Beau raisonnement d’avoir tout de suite pensé à eux. »

« Non. » répliqua l’assassine d’un ton soucieux. « Là, en bas. Ils montent. A gauche, je reconnais les uniformes du Conseil des guildes. Karcinaum et trois gardes. Et sur le chemin de droite, un groupe de Roxxors. Deux brigades, je dirais. ».

Et en effet, gravissant lentement mais inexorablement les étroites routes en lacets menant vers le plateau, deux groupes opéraient une manœuvre manifestement concertée d’encerclement, malgré la concavité de la colline qui les empêchait de s’apercevoir.

Dans celui des RoxxorsDuPoney, mené par leur chef en personne, l’humeur était presque joyeuse. On aurait dit des prédateurs sûrs d’avoir piégé leur proie et se léchant d’avance les babines avant le carnage.

« Lucrécia, que dit le magicomachinbidule? Enny est toujours là-haut? »

« Absolument, Kévin. Même sans le stéréomagicomètre je peux percevoir son aura. Par contre, elle n’est pas seule, l’appareil détecte une autre classe mago. Sorcier, clerc, shaman peut-être. »

LegolassKevin l’archer et Pégéhemm le gladiateur suivaient juste derrière.
« Voilà qui confirme nos soupçons, » ajouta l’un d’eux. « Quelqu’un l’aidait, c’est pour ça qu’elle a déjoué nos précédentes tentatives. »

Le chef de guilde acquiesça, puis levant la tête, jaugea avec déconvenue le sentier qui, semblait-il, prenait plaisir à serpenter de toutes les façons possibles avant de daigner arriver en haut. Il allait falloir crapahuter pendant une demi-heure. Perspective ô combien peu enthousiasmante pour quelqu’un dont les armures les plus habilement dessinées ne parvenaient plus à masquer le considérable embonpoint. Mais à cause du téléporteur on avait dû renoncer aux montures, sinon on n’avait pas le temps de faire passer tout le monde. Il regretta d’avoir, préséance oblige, dû laisser au haut dignitaire du Conseil la voie la plus directe et la moins pentue.

Le groupe de Karcinaum, sans surprise, était plus maussade. L’Intendant maugréait à mi-voix, et le reste de la petite troupe observait un silence prudent.

« Douze fois! Douze fois qu’Oussetonne, cet incompétent bouffi, la laisse échapper. A cause de cet incapable qui marine dans sa graisse, me voilà, moi, le deuxième personnage de Rondo et des trois royaumes, en train de marcher sous le soleil, dans la poussière. Je dois tout faire moi-même. Douze fois ! C’est pas possible, il a une sorte de don, il élève l’art d’échouer au rang d’une institution… »

Plus haut, on considérait la situation.

« On est coincées » résuma Zcyn. C’est trop pentu pour descendre par le ravin. On se retrouverait cent mètres plus bas. En petits morceaux.

« N’avez pas peur ! » intervint la Possédée. « Suis très forte dans ce monde, presque invinc… »

<Pouf>

« Repartie dans sa dimension! Hé bien elle choisit bien son moment celle-là ! » lança MissPiggy indignée.

« Elle ne choisit pas, justement. » objecta Zcyn. « Mais toi, tu n’es pas obligée de rester. Si tu as un parchemin de retour, tu peux… »

« Je n’en ai pas. » mentit MissPiggy, à regret. Bien sûr qu’elle en avait. Et puis ça aurait été justement l’occasion de rentrer à Rondo, de se préparer pour la remise des prix. Mais il ne pouvait être question d’être celle par qui le soupçon de la lâcheté serait venu ternir la réputation des MoneyPenny.

« Au moins on n’a plus à protéger Enny. » reprit l’assassine. « Reste ici, retiens Karcinaum, gagne du temps, négocie éventuellement. Je descends m’occuper des Roxxors. »

Et Zcyn entreprit de dévaler le chemin de droite.

MissPiggy la perdit rapidement de vue.

« Elle est folle. Bon, moi je fais comme d’habitude.»

Elle invoqua Fafnir. Et prit le temps de l’examiner avec attention. D’habitude, elle sortait de son sac quelque accessoire de coiffure ou de broderie pour passer le temps, et ne prêtait aucune attention au combat pendant que le familier se chargeait de rôtir les ennemis. Ou de les faire fuir. Mais cette fois elle le regarda étirer son long cou, assouplir ses ailes, humer bruyamment l’air sec du plateau, offrir son poitrail au soleil. Fafnir était l’un des spécimens les plus vieux et les plus grands de son espèce, en termes de taille et d’envergure.

« Il était déjà comme ça quand j’étais toute petite » se souvint la Villaine. Personne ne savait vraiment quel âge pouvaient atteindre ces bêtes écailleuses. Elle ouvrit les bras, la tête monstrueuse vint s’y blottir.

« Charmant spectacle ! »

Le sarcasme claqua comme un coup de fouet. Karcinaum venait d’apparaître. Il reprit son souffle, s’épongea rapidement le front du revers de sa manche, et laissa ses yeux s’habituer à la clarté d’un soleil proche de son zénith.

« Haha », éructa-t-il. Malgré la distance, MissPiggy l’entendait parfaitement, de par la haute paroi auquel était adossé le plateau, formant une sorte d’amphithéâtre naturel.

« Demoiselle » ajouta-t-il en s’inclinant, « l’intensité de la lumière m’empêche encore de vous identifier formellement, cependant je reconnais avec certitude votre familier. Ainsi donc, je suis en présence de la dernière feuille, du dernier bourgeon de la branche des MoneyPenny. Peut-être cela vous amusera-t-il d’apprendre que j’ai préparé une loi qui confisque au profit du Conseil la fortune des familles dont la descendance s’éteint. Oh, mais pardon, vous avez encore une sœur. Ou une cousine, je ne sais plus.
Trêve de plaisanteries. Une fois que vous ne serez plus là pour épauler la Possédée, elle deviendra très facile à éliminer, même pour cet incapable de Kévin.
Car voyez-vous, demoiselle, vous êtes certes accompagnée d’un fort puissant animal, mais il se trouve que j’ai moi aussi ce privilège. »


D’un geste qu’il voulait majestueux, il accomplit le rituel d’invocation. Les trois hommes d’armes qui l’escortaient se reculèrent un peu.

« Et le mien est amélioré. Anthrax, fais ton office !»

L’énorme reptile noir prit une rapide inspiration et cracha le feu, en un jet large et puissant. Les trois soldats n’étaient plus que poussière.

Karcinaum resta quelques secondes devant les restes carbonisés, abasourdi. Puis se retourna vers son familier, qui s’attendait à des félicitations. Il avait agi comme d’habitude, après tout.

« Ramolli du cerveau ! Stupide bestiau goudronneux ! C’était ces deux-là, à l’autre bout du plateau. Allez, attaque !»

Anthrax promena un instant son mufle brûlant au-dessus des trois petits tas de cendre, comme désolé pour le malentendu. Puis il fixa Fafnir, au loin. Les deux créatures écailleuses se jaugèrent. Et dans un même élan prirent leur envol à la verticale.

MissPiggy ne comprenait pas. Karcinaum, lui, savait ce qu’il en était.

« Demoiselle ! Les duels entre dragons respectent certains rituels. Notamment, ils ne sauraient se dérouler sous le regard d’êtres qu’ils jugent inférieurs, tels que nous, les humains. Et ce, quelle que soit l’affection qu’ils puissent porter à leur maître. Ils vont passer tous deux la crête de la montagne. Un seul reviendra. »

La Villaine avait un mauvais pressentiment. D’habitude la simple apparition de Fafnir suffisait à dissuader les créatures ennemies. Celles qui se faisaient brûler, c’était celles qui n’avaient pas fui assez vite. Mais le sombre Anthrax paraissait si déterminé, si sûr de lui… Il était plus petit, elle l’avait bien vu. Mais cela suffirait-il? Il était plus jeune, aussi. Moins expérimenté donc. Mais plus rapide, sans doute.
Agitée de pensées contraires, la jeune fille scrutait le ciel, rongée d’inquiétude.

« Rassurez-vous » continua l’Intendant, ce sera très rapide. Ces combats sont courts, intenses. Sanglants. Ils planent, tournoient, puis fondent l’un sur l’autre. La première passe est généralement aussi la dernière. «

Une silhouette ailée se découpa soudain dans le ciel, décrivant de larges cercles.

« Il n’est pas noir », tenta de se persuader MissPiggy. « C’est le soleil qui fait ça, c’est parce qu’il est à contre-jour. Il est blanc en fait. C’est Fafnir. Bien sûr que c’est Fafnir. »

Ses yeux se remplirent de larmes. Fafnir, le dragon blanc qui avant d’être son familier avait été celui de son oncle. Et de tant d’autres MoneyPenny auparavant, au point qu’il figurait sur leurs armoiries. Fafnir qui avait remporté tant de batailles. Fafnir, dont sa gouvernante lui racontait les exploits quand elle était petite fille, le soir, pour s’endormir.

Fafnir n’était plus.

« Presque trop facile… » ricana Karcinaum. « Et maintenant…Oh mais, que…Il est blessé ? »

MissPiggy leva à nouveau la tête. Les spirales du vol d’Anthrax devenaient beaucoup trop rapides, beaucoup trop serrées. Une aile ne parvenait plus à rester déployée. Il ne planait plus du tout. Il tombait, en fait.

« Bien joué Fafnir » murmura MissPiggy en serrant les poings, tandis qu’un sourire se dessinait à travers ses larmes.

Karcinaum ne bougeait pas, incrédule. Il essayait d’apercevoir le point de chute. Au loin. Tellement loin. Il n’avait plus l’habitude. Toutes ces années au Conseil des Guildes. Un univers clos, fait de murs, de plafonds, de cours intérieures, où l’on ne pouvait porter son regard au-delà de quelques dizaines de mètres. Il ferma les yeux pour recouvrer ses esprits et s’efforça de penser à quelque-chose de concret. A une victime expiatoire. Kévin Oussetonne ! Une fois de plus c’était lui le responsable de tout. Oh ça, il lui refacturerait le prix du nouveau dragon qu’il allait devoir acheter pour remplacer Anthrax. Et son amélioration. Et ses passages de niveaux. Et tout son équipement. Oh, il y en aurait bien pour…

Et d’ailleurs, pourquoi n’était-il pas encore là, ce gros lourdaud, ce bon à rien? Qu’est-ce qu’il fabriquait encore ? Même avec force pauses rendues nécessaires par sa pesante carcasse, même s’il passait par un chemin plus long, plus sinueux, moins bien entretenu, il aurait dû émerger depuis longtemps, de l’autre côté du plateau, avec sa petite troupe.

« Demoiselle ! » lança-t-il à MissPiggy qui s’essuyait les yeux, « Si la fourberie et la traîtrise de votre familier ont tenu en échec la supériorité manifeste du mien, ne comptez pas qu’il en soit de même maintenant. Je suis après tout le plus grand mage de ce monde, et de quelques autres. »

Bientôt une boule de feu traversa l’air. La Villaine n’eut que le temps de se jeter à terre. Le tir était certes passé bien trop à gauche, mais l’impact avait projeté alentour nombre d’éclats de roche en fusion. Elle se releva et commença à alterner flèches enflammées et éclairs foudroyants. En continu. Main gauche, main droite.
Sa portée était bien moindre que celle de Karcinaum, les tirs ne l’atteignaient pas, il s’en fallait de beaucoup. Elle ne cherchait à y mettre aucune puissance non plus, c’étaient des flèches et des éclairs de débutant. Ce tir de barrage n’était destiné qu’à l’empêcher d’approcher, et à lui permettre de se raviser. C’est un malentendu, Intendant, ce combat peut encore être évité, il n’est pas trop tard, on peut s’expliquer.

Eclairs, flèches. Main gauche, main droite, en cadence. Les hanches suivaient, en un mouvement dansant. Elle savait qu’elle pouvait tenir très longtemps comme ça. Elle s’entraînait souvent avec cousine Tashia, à travailler esquive et précision, chacune à l’extrémité d’un long champ bordé de pommiers, qui jouxtait le manoir, et prenant grand soin de ne pas déranger leurs parents qui prenaient le thé de l’autre côté du mur d’enceinte, ni les oiseaux qui nidifiaient dans les arbres du verger.

En face, la colère que le souvenir du chef des Roxxors avait réussi à ranimer, faisait place à l’irritation de voir la cible, cet insignifiant vermisseau, s’obstiner à courir de droite et de gauche, à bondir. A survivre. Les deux mains levées au ciel, il invoquait des sorts de plus lourds, de plus en plus dévastateurs. Il avait l’impression d’avoir fait s’écrouler la moitié de la montagne, d’avoir transformé le plateau rocheux en lac de feu, les parois de basalte en cascades de lave. Il avait prononcé une sentence de mort,et sa magie avait été le bras armé et destructeur de son courroux supra-humain. Pourtant la misérable créature s’agitait toujours, mobile, lointaine. Pourquoi ne se soumettait-elle pas à l’autorité que lui conféraient ses hautes fonctions ? Pourquoi ne se laissait-elle pas tuer sur place? Ni même viser ? L’abattement succéda à l’irritation. Il tendit la main pour qu’un serviteur lui passe une potion. Rien ne vint. Il se tourna et vit qu’il était seul. Seul au milieu de l’immensité. La sueur lui coulait sur le visage, le soleil et le vent lui brûlaient les tempes. Il vacilla, faillit tomber. Au loin, l’insolente vermine gardait les yeux sur lui, immobile à présent mais toujours attentive. Dans le silence revenu où il n’entendait que ses battements de cœur, il discerna un crissement ténu. Un bruit de pas.

Soudain joyeux, il dit « Oussetonne ! »

C’était Zcyn.

MissPiggy, non sans éprouver quelques doutes devant le retour inattendu d’icelle, courut vers son amie qui réapparaissait ainsi après la bataille, ayant soi-disant affronté un prétendu groupe d’élite des RoxxorsDuPoney.

« Mais comment as-tu… ? Tu as réussi à… »
« - J’ai échoué, tu veux dire. Ils ont détalé comme des lapins. C’est ma faute aussi. Je pensais qu’ils étaient plus près, j’ai dévalé le chemin en courant, résultat quand ils se sont enfuis je n’avais plus de jus pour les poursuivre. »

« Quand ils se sont… enfuis, tu dis ? » répéta une MissPiggy de plus en plus suspicieuse et qui s’inquiétait de voir la vantardise sympathique de sa guildie tourner à la mythomanie pathologique.

« - Je m’en veux, ça s’est joué à un rien. Oussetonne a dit Oh non, pas elle. Les deux capitaines, Pégéhemme et LegolasKévin ont dégainé leurs armes. Lucrécia les a empêchés d’avancer et a murmuré Fuyez, pauvres fous. Il y a eu un moment de flottement dont j’aurais dû profiter mais j’étais essoufflée, et total, ils sont partis en courant. La dernière chose que j’ai entendue c’est Oussetonne qui demandait qu’on l’attende et qu’on ne le laisse pas tout seul.
Mais je t’ennuie avec mes banalités. Où tu en es, toi ? Il ne reste plus que lui ? Et pourquoi il ne bouge plus ? »

« Il est dans cet état que tous les mages cherchent à éviter, » répondit MissPiggy. « Il est OOM. »

« - OOM ? »

« C’est difficile à comprendre pour un non-mage. L’énergie magique et la vitalité ne sont pas des choses indépendantes, cette séparation artificielle est une présentation simplifiée qu’on donne aux classes peu intelligentes, comme les assassins. En réalité, pour nous cela ne fait qu’un. Etre privé d’énergie magique, c’est comme pour toi être privé d’eau et de nourriture pendant des jours. Cela arrive peu aux jeunes aventuriers car leur mana se renouvelle très vite. Mais l’Intendant, à son âge, il lui faudra des heures de repos. De plus c’est quelqu’un qui combat peu, il n’a pas l’habitude de variations aussi brutales. L’effet est terrible.»

Karcinaum titubait, bouche haletante, yeux grands ouverts. Tout bougeait autour de lui. L’horizon infiniment lointain voulait l’aspirer. Les montagnes au contraire se rapprochaient, l’enserraient, l’engloutissaient. Le ciel tournoyait comme une ombrelle de carnaval. Le sol même du plateau perdait toute horizontalité et se cabrait comme un cheval sauvage. La poussière que le vent soulevait en tourbillons se mua en une silhouette humaine qui s’approchait.

« Qu’est-ce qu’il fait ? » demanda Zcyn à voix basse, « On dirait qu’il parle à quelqu’un. »
« - Il n’y a personne. » répondit MissPiggy dans un souffle.

La silhouette se rapprochait toujours. Il la reconnut soudain et se figea. Son bâton de mage était devenu un bouquet de roses noires, des roses de Katan, que le fantôme de poussière lui arracha des mains.
« Karcinaum ! Tu te rends compte de ce que tu as fait ? » dit la silhouette en faisant le geste de le gifler. Il recula d’un pas, puis d’un autre.

« Le ravin ! » s’écria l’assassine
« - Arrêtez !» hurla MissPiggy. « Stop ! Stop ! ». Elle se couvrit les yeux, Zcyn la prit dans ses bras.

Il y eut un bruit d’éboulement. Puis, atténué, celui d’un choc sourd. En contrebas, les burlocks ne furent pas longs à s’approcher du corps démantibulé, en un large cercle qui allait se resserrer précautionneusement jusqu’à ce que le plus hardi de la troupe donne le signal de la curée.

« Descends surveiller le corps » lança MissPiggy, « je rentre à Rondo avec mon parcho de retour et je ramène du secours. »

« Un parcho, tiens donc » s’amusa Zcyn avant de lancer quelques Vagues funestes.
« Ouste ! Allez-vous-en. Dégagez, les burlocks ! »


MissPiggy, sitôt arrivée dans la capitale, héla trois gardes, qui prirent note de ses déclarations avec une minutie et une lenteur qu’elle jugea désespérantes.
« « C’est bon ? Je peux y aller ? Je peux y aller ? Mais enfin, ça fait vingt fois que je vous explique ! Qu’est-ce que vous pouvez bien encore avoir à noter ? Allez voir sur place, Zcyn se fera un plaisir de répondre à toutes vos questions, elle n’a que ça à faire, elle n’est pas pressée… »

Tout en négociant avec les autorités, MissPiggy remettait de l’ordre dans sa tenue, se recoiffait tant bien que mal, examinait dans un petit miroir à main les contours de ses yeux. Enfin les gardes la laissèrent partir. L’élémentaliste courut à toutes jambes vers le lieu de la cérémonie. C’était d’ailleurs facile à repérer. Une estrade avait été dressée là où habituellement se trouvaient des mannequins d’entraînements à l’usage des aventuriers. Toute la foule des élégantes et des dandys de Rondo s’y pressait. Une foule fort dense, et qui applaudissait la Miss Maquillage nouvellement élue. MissPiggy jouait des coudes. Mais plus elle approchait de l’estrade plus il lui devenait difficile de se faufiler.
« Place ! Place ! S’il vous plait, il faut absolument que je remette… Ah zut, trop tard. »

Elle venait de reconnaître la voix mielleuse et un peu grasseyante du président du comité.
« Gentes dames, nobles marchands, mesdames et messieurs, la gagnante vient donc d’être désignée, elle aura demain matin sa gravure dans toutes les gazettes de Rondo. Et c’est la très charmante et toujours souriante Tashia MoneyPenny, deux fois lauréate elle-même, qui va lui remettre sa couronne. Mesdames et messieurs, un tonnerre d’applaudissements pour Miss Maquillage et pour Tashia! »


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Re: [RP] Zcyn

Messagepar Sairen » Mar 2 Jan 2018 14:10

Pauvre Karcinaum, achevé par un accès de démence
Sinon je me demande vraiment ce qu'a Lucrecia pour avoir autant peur de Zcyn
Et puis MissPiggy qui montre qu'elle peut se débrouiller, c'est beau

A la prochaine pour le prochain chapitre :bravo:
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Re: [RP] Zcyn

Messagepar zcyn » Mar 22 Mai 2018 20:40

Zcyn LXII

Sur le carreau



L’assassin n’était plus qu’à quelques mètres de la lucarne, qu’il devinait plutôt qu’il ne la voyait. Cela faisait presque une demi-heure qu’il gravissait le mur latéral du donjon de Palmir, Pierre après pierre, centimètre par centimètre, il cherchait ses prises, à tâtons. Au fil des siècles, l’argile qui joignait les pierres de ce mur autrefois lisse, s’était usé, effrité. Les aspérités dans la muraille étaient aujourd’hui nombreuses, et n’eût été l’obscurité, l’escalade aurait été presque facile. Mais la nuit était son alliée. Au dehors du donjon, nul aventurier pour le repérer.
Au-dedans, pas grand-monde non plus. Une patrouille de deux Villains effectuait habituellement une ronde nocturne de routine, histoire de vérifier qu’il ne restait pas, tremblant de peur, coincé dans un couloir entre deux groupes de monstres, quelque jeune aventurier ayant présumé de ses forces et de son équipement.. Mais ce soir l’assassin savait qu’un seul Villain patrouillait, le gladiateur SirWatson. L’assassin avait même calculé le début de son escalade de sorte qu’au moment où, ayant atteint la lucarne, il pénètrerait dans le donjon, le redoutable gladiateur serait au plus loin, dans un secteur diamétralement opposé.

Car ill avait longuement préparé son plan, ce soir en serait la première étape. Et d’ici quelques semaines, son maître serait vengé ! L’enquête sur la mort de Karcinaum avait été scandaleusement bâclée. Le clerc chargé de l’autopsie n’avait relevé que des plaies dues à la chute dans le ravin, aucune provenant d’une attaque magique ou d’une arme. En conséquence de quoi MissPiggy et Zcyn avaient été mises hors de cause, et même félicitées, l’une pour avoir promptement donné l’alerte et l’autre pour avoir défendu la dépouille contre les prédateurs.
Hors de cause ! Et pourquoi pas une médaille, tant qu’on y était ? Le rapport officiel passait même sous silence les élucubrations subséquentes de Zcyn concernant un soit-disant groupe de Roxxors présents sur les lieux au moment du drame. MissPiggy n’avait pas confirmé, et de son côté la guilde des RoxxorsDuPoney avait catégoriquement démenti, jurant ne pas avoir quitté leurs donjons de l’Antre ce jour-là. Au final, le rapport concluait que Karcinaum était venu sur le plateau en quête de tranquillité pour un duel amical avec son familier, familier que dans l’ardeur du combat il avait malencontreusement occis. Se trouvant OOM, il avait tenu divers propos incohérents à MissPiggy qui passait par là par hasard, avant d’être pris d’un évanouissement et de faire une chute mortelle.

Mensongère conclusion, tissu d’absurdités, ce décès arrangeait trop de monde, on étouffait la vérité, s’était dit l’assassin en lisant les gazettes au lendemain du drame. Il était bien placé pour savoir qu’accompli dans les règles de l’art, un meurtre ne laisse ni blessure ni indice. Lui n’en laissait pas. Parmi ses collègues tueurs à gages, il était considéré comme une sorte d’aristocrate. Car il opérait toujours sans armes. Et une fois reçues les roupies du commanditaire d’un « contrat », aucune victime n’en avait jamais réchappé.
Ainsi Ris-Paulin, l’homme qui avait osé faire concurrence à son maître en matière d’amélioration de familiers. Sous Cape, il l’avait suivi sur le bord de mer où ce maître teinturier avait l’habitude de ramasser les coquillages qui lui servaient à confectionner ses pigments. Puis il s’était emparé d’une rame de sa petite barque, l’avait assommé, puis noyé dans une petite crique protégée du vent et des courants, afin que le corps ne fût pas emporté au large et que quelque promeneur tombât nécessairement sur lui quelques jours plus tard. Les enquêteurs avaient conclu à une mort accidentelle par noyade.

L’assassinat de Ris-Paulin, c’était l’un de ceux dont il était le plus fier. Mais ce soir, ce serait son chef-d’œuvre, le premier acte d’une tragédie en plusieurs tableaux. Et la victime en serait Zcyn. La première phase serait de la faire chasser de sa Guilde. Une fois isolée, dépourvue de la protection des Villains, sa réputation ternie, elle deviendrait une proie facile. Il la suivrait, il la pousserait d’une falaise. Tout le monde penserait que ne pouvant supporter la honte et le déshonneur, elle se serait donné la mort.

Cela ne lui posait aucun problème de causer la perte d’une collègue de classe. Au contraire.
« Et d’abord » s’indigna-t-il, « qu’est-ce que c’était que cette assassine qui n’avait jamais assassiné personne ! Qui ne se battait que fort rarement, et seulement contre d’autres aventuriers, en plein jour qui plus est, de face, dans une arène. Cette traîtresse était la honte de sa classe ! La honte de tous les asuras ! »
Sa main crispée par l’irritation descella une pierre, qui tomba lourdement au sol, brisant le silence de la nuit. Par réflexe il passa sous Cape et laissa s’écouler quelques minutes, s’adressant d’amers reproches. Se laisser gagner par ses émotions, quelle erreur de débutant. C’est comme ça qu’on se faisait repérer, c’est comme ça qu’on gâchait tout, c’est comme ça qu’on mourait. Et en plus ça l’avait mis en retard sur son plan.

Enfin la lucarne. Il posa les mains sur le rebord et d’un rétablissement se retrouva à l’intérieur. Le sbire de feu Karcinaum savoura l’instant. « Le gladiateur est loin dans les couloirs, si comme si j’étais seul dans Palmir »
Ce en quoi il se trompait. A l’étage au dessous, dans la bibliothèque, un autre membre éminent de la guilde des Villains était présent. DarkMatter l’élémentaliste, érudit, Gardien du Lore et Grand chambellan, dormait du sommeil du juste, sa bougie éteinte depuis bien longtemps, la joue posée sur une page d’un livre ancien.

Sûr de lui, tout de noir vêtu et chaussé de bottines à semelles de feutre qui ne faisaient aucun bruit au contact du sol en pierre, poli par les ans, l’assassin parcourut le couloir en comptant les portes. Il s’arrêta devant la cinquième, qu’il savait être celle du salon réservé à Hésac , le chef de guilde. D’une poche intérieure il tira deux outils de crochetage et eut tôt fait de venir à bout de la serrure. Il entra et referma la porte derrière lui. L’aménagement était somme toute modeste. Une table massive, une chaise, quelques tabourets, une armoire. Au mur, des armes, quelques trophées, et deux tentures. Sur l’une était dessinée une carte du monde connu, sur l’autre un plan détaillé de Palmir, avec des croix aux emplacement jugés favorables pour masser des troupes en cas de siège.. Sur la table, une plume, un encrier, et une pile de registres ouverts. Il prit les deux du dessus.

Il s’agissait maintenant de travailler un peu la mise en scène. Du mur, il décrocha une lourde masse d’armes au manche garni de fer. Il revint dans le couloir et, faisant levier, pesa sur la serrure extérieure de la porte jusqu’à la tordre, jusqu’à desceller deux des quatre vis qui la maintenaient. Il remit la masse au mur et sourit. Lui dont l’art résidait dans la discrétion, il voulait justement, ce jour-là, que l’effraction soit visible, évidente, flagrante.
Dans quelques heures le jour reviendrait, l’alerte serait donnée. Par routine, par acquit de conscience, on ouvrirait tous les casiers. Dans celui de Zcyn on retrouverait les deux documents volés. On y trouverait aussi une note pliée en quatre, qu’il avait préparée à l’avance.

« Continuez à œuvrer contre les Villains.
Grâce à vous, leur fin est proche.
Ha ! On ne se méfie jamais assez des assassins. »


Il descendit un escalier. La salle des casiers était juste là. Zcyn avait le droit d’en utiliser un, comme tous les Villains qui avaient un certain rang dans la guilde mais ne faisaient pas partie de l’état-major. Elle était fière d’y voir son nom en belles lettres rondes. C’est DarkMatter qui lui avait rendu ce service, elle-même n’était pas très douée pour écrire. Elle y rangeait ce dont elle ne se servait pas très souvent, ou qui était trop dangereux à garder là où elle habitait, chez Fargdun, sa grand-mère adoptive. Son arbalète par exemple, d’autant que n’ayant pas la force pour la charger rapidement elle la gardait prête à l’emploi, carreau encoché, câble tendu. Et rangée verticalement, parce-que sinon ça ne rentrait pas dans le casier.

L’assassin considérait le nom calligraphié avec soin.
« Bientôt il faudra en écrire un autre, ce casier sera libre. » Il frémissait de plaisir anticipé. Demain, Zcyn serait accusée par ses pairs. Elle se défendrait mal, elle ne trouverait pas les mots, elle s’emporterait, la misérable. L’infâme, l’abominable assassine, serait exclue, chassée, bannie. Haha, bannie! Abandonnée de tous, elle errerait comme une âme en peine, ployant sous le chagrin et l’opprobre, jusqu’au moment où il mettrait un terme à ses souffrances. Et ce jour-là maître Karcinaum serait vengé. Vengé ! Vengé !
II ouvrit la porte du casier.

« dzoinnng….tchac ! »

Le carreau rentra sous le menton et ressortit par le haut du crâne. L’assassin mourut debout. Tombant vers l’avant, le corps referma le casier et, glissant lentement au sol, y laissa une longue trace ensanglantée.
Ce fut DarkMatter qui, sortant de la bibliothèque et se disposant à rentrer chez lui, découvrit la scène morbide. Il s’empressa de faire d’abord un peu de lumière en allumant quelques torches murales à coup de Flèches enflammées. SirWatson, de retour de sa patrouille le rejoignit.

« DarkMatter ! La porte du chef a été enfoncée. Oh mais… »

« - Et ce type-là est mort » répondit l’élémentaliste. « C’est toi qui… ? »

« Euh, oui. Oui, évidemment, c’est moi. »

Le gladiateur tâchait de dissimuler son trouble. Protéger Palmir contre les intrusions, les cambriolages, cela faisait certes partie de la mission des patrouilles nocturnes. Mais il préférait de beaucoup arpenter le donjon, à la recherche d’aventuriers à secourir, qui le verraient apparaître dans son armure étincelante, accompagné de son ange, s’immobiliser dans une posture avantageuse, pourfendre chaque monstre et les raccompagner jusqu’à la sortie. Puis dans les tavernes ils chanteraient les louanges de leur sauveur, accroissant ainsi à travers le monde sa renommée et sa gloire. C’était du moins le dernier avatar des plans de SirWatson pour accélérer l’accomplissement de son destin épique.
L’autre zone de Palmir, interdite aux aventuriers et, a fortiori, aux monstres, n’était guère palpitante à surveiller. Il ne s’y passait jamais rien. Sauf que là, il y avait un mort. Un mort impossible à expliquer. Alors il fallait bluffer. Et espérer.

« Comme je te le disais, j’ai vu la porte fracturée » reprit le Gladiateur, « j’ai suivi les traces jusqu’ici, il a voulu s’enfuir, je l’ai abattu, et puis je suis allé faire ma ronde, car il y a quand même les aventuriers à secourir, et puis il pouvait y avoir des complices. Je t’aurais appelé si j’avais su que tu étais là. »

« - Tu abats les gens juste parce-qu’ils s’enfuient, toi ? Et à l’arbalète ? » interrogea un DarkMatter encore choqué par sa découverte macabre.

« Absolument » répliqua SirWatson sans se démonter. « Je suis le Capitaine de guerre de cette guilde, je me dois de maîtriser toutes les armes. Le, comment on dit, la sorte de flèche, ah oui, le carreau, a ricoché au sol et a frappé le type de bas en haut. »

DarkMatter avait commencé à examiner le cadavre.

« Son visage m’est inconnu. Classe Assassin, manifestement. Pas d’armes sur lui. Aucun emblème de corporation, aucun blason de guilde. Pas de nom sur ses vêtements, ni même d’initiales. Juste ces deux documents, le registre de nos commandes d’armes pour les guildies, et l’agenda du chef. Ah, dans cette poche, un genre de passe-partout et une tige en fer recourbée. Et une note aussi. Continuez à œuvrer contre les Villains. Grâce à vous, leur fin est proche … »

« Tu vois bien » enchaîna un SirWatson radieux, « c’était un homme de main, un crocheteur, un mercenaire payé par, je ne sais pas, quelqu’un qui veut nous nuire. »

«- Ma foi, tu as raison. Bon, il faut en savoir plus, on le ranime. Je vais chercher un parcho de résurrection dans la bibliothèque. »

SirWatson blêmit. Jusqu’ici il s’était dit que finalement, tout se goupillait bien, que peut-être même la Déesse lui donnait un petit coup de pouce et lui faisait en quelque-sorte comprendre qu’elle voyait les ambitions épiques du Gladiateur avec bienveillance. Mais si l’on ranimait l’assassin, tout s’écroulait.

« Comment ça ? Mais non. Il est, euh, trop abîmé, et puis… et puis ça fait trop longtemps. »

« - Pas du tout, c’est encore très rattrapable. Bon, je ne dis pas qu’il n’y aura pas quelques séquelles, mais… »

« Rien du tout » trancha SirWatson en chargeant le corps sur son épaule. « Ras-le-bol d’être la petite guilde gentille qui prend les coups sans jamais les rendre, et qui en plus dit merci. Il y a un moment où il faut se faire respecter. Je vais le jeter sous le pont, dans le précipice. Et puis d’abord je suis l’aide de camp du chef. Et aussi c’est moi qui suis en charge de la patrouille, cette nuit. Alors on fait comme je dis. »

DarkMatter n’insista pas. Il rentra chez lui finir sa nuit. Se réveilla au petit matin, agité de mornes pensées. Qu’était devenue cette guilde ? Où était le temps de la montagne de Cristal, où tout le revenu du donjon était consacré à festoyer, à préparer des banquets, à boire et à chanter avec les jeunes apprentis ? A se tirer la bourre avec les deux autres guildes de l’alliance, pendant les sièges, pour savoir qui dessouderait le plus d’ennemis ? Quand Moonkir le belluaire jurait comme un charretier en courant après ses familiers échappés de leur cage ? Quand SirWatson accompagnait les jeunes recrues aux Reliques, leur premier donjon ? Quand Hésac leur chef participait encore au concours annuel de PvP dans l’arène d’Horizon ?
Les Villains aujourd’hui étaient plus forts à eux seuls que toute l’ancienne alliance réunie, plus riches aussi, mais… Mais Hésac le Sorcier n’avait plus de temps pour rien, accaparé par les conclaves, les conciliabules, les réunions secrètes, les luttes d’influence. Moonkir négociait ses familiers à l’Hôtel des ventes, à coup de roupies. Et SirWatson tuait des gens.

Il essaya de lire un des dix-neuf tomes de l’histoire de la guerre contre la Sorcière mais referma le volume, incapable de fixer son attention. Il sortit, marcha dans les rues, au hasard, se perdit plus ou moins, sans s’en alarmer. Aperçut une taverne qu’il ne connaissait pas.

Le tenancier essuyait un verre avec un chiffon. La salle était basse, sombre, bruyante, enfumée. Non, décidément, ce n’était pas ici non plus qu’il pourrait reprendre ces petits entretiens dont il raffolait, autour de deux tasses de thé, avec son ancienne protégée Lucrécia. La plupart des convives étaient assis autour d’une longue table, à écouter, une chope à la main, un grand type aux épaules larges, planté juste sous le lustre principal, une vieille roue de charrette où l’on avait collé une douzaine de bougies. Le type était habillé en bûcheron. Déguisé plutôt, tant sa chemise avait des couleurs trop vives et sa hachette était trop neuve. DarkMatter se pencha vers le tenancier.

« C’est qui, cet homme qu’on voit de dos, avec la petite hache ? »
« Les autres c’est des réguliers, ils viennent là tous les jours » expliqua le tavernier. « Lui, je le connais pas, mais tant qu’ils paye des tournées, tous les gars sont prêts à applaudir ses histoires, et moi à les servir en vin et en bière. Vous prendrez quoi ? »
« Donnez-moi ce que vous avez » répliqua distraitement DarkMatter en posant deus roupies sur le comptoir. Sourcils froncés, Il marcha vers le grand type.

« Qu’est-ce que tu fais là, et avec ce costume ? C’est toi, SirWatson ? »
« Non » répondit SirWatson. « Je suis un humble bûcheron de la Forêt aux conifères. Mais je connais ce nom que vous dites, ce gladiateur pétri de noblesse et de bonté. Comme je le racontais à mes compagnons de bouteille, mon petit neveu s’est lancé dans la carrière d’aventurier. Et la semaine dernière, égaré dans Palmir, à bout de souffle, sur le point de mourir sous les coups d’une meute de harpies, voilà-t-y pas qu’il voit surgir, nimbé d’une intense aura de lumière, dégageant un charisme magnétique, puissant et magnanime tel le bras armé de la Déesse,… »

« Je vois, je vois. » le coupa DarkMatter. « Hé bien si votre neveu croise à nouveau le chemin du héros légendaire que vous décrivez, faites-lui donc dire qu’il a oublié de signer le registre de patrouille, la nuit dernière. »



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Re: [RP] Zcyn

Messagepar zcyn » Lun 4 Juin 2018 18:30

Zcyn LXIII

D’une pierre deux coups


« Bon, hé bien voilà, je vous ai redressé le loquet autant que j’ai pu » lança le serrurier, « Maintenant à votre place je ferais refaire toute la porte, parce-que pourrie comme elle est, rafistolage ou non, vous êtes pas à l’abri d’un nouveau cambriolage. »

« - Nous ferons en sorte que ces futurs cambrioleurs n’arrivent pas jusqu’à cette porte. N’est-ce pas, SirWatson ?» répondit dans un sourire Hésac le sorcier en reconduisant l’artisan. Puis il revint vers ses deux collaborateurs. Et il ne souriait plus du tout.

« SirWatson, DarkMatter, inutile de vous dire que je ne suis pas content de vous. SirWatson, tu vas arrêter cette fantaisie de patrouiller tout seul. Je me fiche de ton petit numéro de sauveur céleste. DarkMatter, dormir c’est chez toi que ça se passe. Tous les deux, la Guilde n’est pas l’instrument de votre ambition ou de votre confort, les Villains ne sont pas là pour vous monter votre répu ou vous fournir une chambre à coucher annexe.

D’ici quelques jours, je pars chez Crime-Sud, pour essayer de le convaincre d’étalonner le donjon Classe Maître en catégorie assa. J’y serais allé avec toi, SirWatson, en tant qu’aide de camp c’est ta prérogative de m’accompagner, si tu n’avais pas été aussi désinvolte. Et DarkMatter, ce n’est certzinement pas toi qui vas le remplacer! Non, mais vous vous rendez compte… Et toutes ces traces de sang sur le casier de… »

« - Bah, ça se nettoie très bien », tenta DarkMatter « Un chiffon en peau de dragonnet, un peu de savon, Zcyn n’aura qu’à frotter un peu. »

« Ce n’est pas de nettoyage qu’il s’agit. Fichez-moi le camp. SirWatson, tu es de patrouille pour toute la semaine à venir. DarkMatter, tu vas me classer tous les livres de la bibliothèque, par thématique, avec un sous-classement alphabétique. »

Le chef de guilde se retira dans son bureau. Il fit jouer plusieurs fois le loquet. Ca coinçait un peu, et c’est vrai que ça n’inspirait pas grande confiance en termes de solidité.

Il s’assit dans l’unique fauteuil. Non, assurément, il ne s’agissait pas de nettoyage. Le problème c’était que le cambrioleur, entre tous les endroits possibles, avait choisi de mourir au pied du casier de Zcyn. Zcyn qui chaque jour davantage se croyait une créature à la fois supra-humaine et maudite. Les jeunes recrues de la Guilde l’idolâtraient. Ils racontaient qu’elle avait gagné deux sièges à elle toute seule.

« Et le pire, c’est que c’est vrai » pensa Hésac avec irritation.

Mais pas au sens où l’entendaient les jeunes recrues, qui l’imaginaient pourfendre de ses dagues des hordes entières de troupes assiégeantes, laissant derrière elle des couloirs jonchés de cadavres. Alors que c’était tout l’inverse. C’est justement parce qu’elle était mauvaise en PvP que, paradoxalement, ces deux sièges avaient été gagnés.
Et quelle erreur ça avait été de la laisser remporterr ce combat contre lui! S’il avait fait le duel contre n’importe-qui d’autre, tout le monde aurait compris que c’était du théâtre. Mais elle, elle avait trouvé ça normal, évident. Et les jeunes recrues aussi, du coup. Le pompon, ça avait été cette invention absurde d’avoir fait détaler comme des lapins toute une brigade de Roxxors, juste en apparaissant devant eux sur un chemin creux des Mines Oubliées. Hallucination, au mieux. Folie, sans doute. Qu’allait-elle s’imaginer alors en apprenant l’histoire du cambriolage, que les ennemis mouraient rien qu’ en lisant son nom sur une porte de casier ?
Non, ce n’était plus possible, tant pis pour tous les jeunes aventuriers qui joignaient les Villains à cause d'elle. L'imagination, les illusions, à long terme la guilde y perdrait tout.
Devant lui sur la table était posé le registre des passages de rang.

"L'écrit, voilà ce qui compte, voilà ce qui subsiste, voilà qui survit aux années et aux siècles."

Il prit le livre et l'ouvrit à la page de son passage de rang de sorcier. Avec les deux étoiles que le Conseil des Guildes lui avait accordées, témoignant qu'il avait réalisé le meilleurs temps de la session, toutes guildes et toutes classes confondues.

"Cela m'a valu d'être invité à Rondo par Buvenir, le Premier Conseiller. "

Ce qui le rendait le plus fier fier en tant que chef de guilde, c'est qu'un autre Villain avait, plus tard, lui aussi reçu cette distinction.
Il tourna les pages jusqu'à arriver à celle de SirWatson.

"Et voilà! Les deux étoiles, lui aussi! Holà, mais..."

Il revint à sa page à lui. Puis à nouveau à celle du Gladiateur. Etonnament, les deux étoiles de SirWatson étaient plus pâles. Ce qui n'aurait pas dû être le cas, le passage de rang de SirWatson étant plus récent. Et d'ailleur, l'encre était plus foncée sur le reste de la page.

"Non, ça ne peut pas..."

Pris d'un doute terrible il chercha la page de Zcyn. En lumière rasante, de tout près, on pouvait deviner deux étoiles, presque effacées. Trois fois il referma le volume, cligna des yeux, rouvrit le registre et retrouva la page de l'assassine. Les étoiles étaient toujours là.

"Et quand bien même? C'est égal, ça ne change rien!" s'écria-t-il en jetant le registre contre un mur.

il fallait la ramener à la raison tant qu’il en était encore temps, avant qu'elle n'essaie d'affronter Tamahakan à main nues, ou de nager dans de la lave. Il fallait lui démontrer qu’elle était ordinaire, banale. Et déjà pour commencer, que dans sa classe d’assa, elle était à peine dans la moyenne, qu’il en existait d’incommensurablement meilleurs.

Le Sorcier se leva. Il savait maintenant qui, dans quelques jours, l’accompagnerait chez Crime-Sud.


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Re: [RP] Zcyn

Messagepar zcyn » Ven 15 Juin 2018 18:38

Zcyn LXIV

Nim-Nim



D’ici une heure, le soleil se lèverait. Assise sur les marches d’un escalier, la figure encore chiffonnée de sommeil, Zcyn considérait les commerçants de la place du marché de Rondo, qui finissaient d’installer leurs étals. Comment faisaient-ils pour se lever aussi tôt ? Chez sa grand-mère adoptive Fargdun en tout cas, ancienne marchande de fleurs, la retraite n’avait pas émoussé cette capacité. Sortir du lit quasi en pleine nuit, mettre à réchauffer la soupe de la veille, disposer sur la table bols, pain noir et quelques fruits, lui fut facile. Réveiller Zcyn avait été plus ardu.

« Debout, feignasse! Debout, te dis-je. » Il avait fallu la secouer un peu. « Tu ne veux pas faire attendre ton chef de guilde, quand même? C’est aujourd’hui que vous partez en expédition je ne sais où »

Et maintenant l’assassine était là, à attendre Hésac le sorcier, pour aller… hé bien, elle ne le savait pas non plus.
Le va-et-vient des boutiquiers avait pris fin et, nonobstant l’obscurité encore bien présente, le marché arborait à présent cet aspect tranquille et bonhomme que lui connaissent les aventuriers, et qu’ils trouvent aussi naturel que la présence de monstres dans les donjons.

Quelque-chose cependant allait d’étalage en étalage, et s’en faisait chasser. Quelque-chose de petit. Zcyn plissa les yeux pour mieux distinguer. C’était un kobold.des marais. Un jeune, vu la taille. Non pas que les kobolds soient bien grands même à l’âge adulte. Il s’approcha d’une table couverte de confiseries, autant qu’il le pouvait vu que l’énorme chien du marchand grognait sur lui et qu’il en avait peur. Il tendit une patte pour mendier mais ne reçut rien. Il tenta sa chance auprès du marchand de fruits, sans succès non plus. Le vendeur de gibier et de venaison ne fut pas plus généreux. De nouveau, il se dirigea vers le confiseur. Le marchand fit le geste de détacher son molosse. Le kobold s’éloigna, sans toutefois pouvoir se résoudre à quitter définitivement les lieux, reniflant de ses narines reptiliennes les effluves de nourriture.

Zcyn se souvint d’une conversation avec Moonkir, le belluaire de guilde, qu’elle était allée voir un soir à Palmir pour faire soigner son loup Sabaka.
« La riche ville de Rondo », avait-il expliqué avec une moue désapprobatrice, » s’est découvert une nouvelle lubie. Cette année, on n’offre plus de poupées ou de soldats de plomb aux enfants, on leur offre des petits kobolds. Achetés à des chasseurs qui en font le trafic. Même taille qu’une poupée, mais ça bouge, on peut leur apprendre des mots, et c’est inoffensif. Au besoin, on leur lime un peu les dents et les griffes. Les enfants sont ravis, ils jouent à cache-cache avec eux, font des dinettes de lait et de gâteaux. Et puis un jour ils se lassent. Le jouet vivant quant à lui a un peu grandi, il n’est plus drôle, hardi, curieux de tout comme au début. Le naturel craintif de la race reprend le dessus. Les enfants en réclament un autre, ou un animal différent, en tout cas ils ne veulent plus de celui-là. »

L’assassine trouva dans sa poche une pomme, fourrée là par Fargdun en prévision d’une longue journée. Méfiant mais affamé le petit kobold s’approcha. Tendit la patte.

« Nim-Nim faim. Toi, donne ? »

Zcyn sourit. A cause de la voix qui sonnait un peu faux, mais manifestement il comprenait ce qu’il disait, ce n’étaient pas des mots répétés au hasard comme le font certains oiseaux A cause du nom aussi, choisi par ses maîtres et bien éloigné des sonorités rauques et gutturales propres à cette espèce. Elle fit rouler le fruit vers le lézard, qui s’en saisit avidement, et commença à le manger, sans jamais quitter la Villaine des yeux, prêt à déguerpir au moindre geste brusque. La pomme disparut rapidement.

« Toi, donne ? »

Zcyn n’avait plus rien. Mais Nim-Nim avait humé l’air et s’était retourné brusquement. Il fixait l’artisan-confiseur qui s’approchait d’eux, tenant ostensiblement une large tranche de pain. Il la montra au kobold pour que celui-ci le suive, et prit la direction de la sortie de la ville la plus proche, celle qui menait à la Ferme des créatures.

« Ah, les braves gens » se dit la jeune fille. « Evidemment qu’ils n’aiment pas le voir tourner autour de leurs boutiques. C’est normal. Mais pour autant ils ne sont pas insensibles à la détresse de cette pauvre bête, au triste sort de ce reptile élevé par les hommes, abandonné, bien incapable de chasser ni même de retourner aux Marais du Nord-Ouest de Katan dont il est originaire. Ils sont bourrus ces marchands, mais ils ont bon cœur, au fond. »

Le commerçant avait atteint la limite entre la ville et les sortes de pelouses sauvages où les koalas faisaient la ronde et où s’ébattaient les lydians.

« Et d’autres choses aussi, bien moins sympathiques » se souvint la Villaine. « Tous ces Fanatiques à démolir pour passer assa. Ces mécaniques à la noix, créées par la guilde des Roxxors. Les Surogate, les Immordels, les Commandants. Maintenant je suis trop forte pour eux, ils peuvent même pas me toucher, mais à l’époque je m’en serais jamais sortie. Heureusement que Moonkir m’avait prêté un familier, et encore il est mort plein de fois. C’était quoi, déjà ? Ah oui, une salamandre. »

Le confiseur considérait la pelouse, semblant évaluer, estimer, calculer. Puis il lança la tranche loin devant lui.

Zcyn comprit trop tard.

« Non ! Petit kobold !»

Elle bondit, mais elle savait qu’elle était beaucoup trop loin. Le kobold avait couru jusqu’au point de chute, et avec un grognement de convoitise avait saisi le morceau de pain. Il le porta à sa gueule. Et dans son dos entendit un bruit. Tout proche.

La meute s’abattit sur lui. Il hurla.

« Aide Nim-Nim! Aide! »
Deux fois il disparut, submergé par la masse grouillante des Fanatiques. Deux fois il se releva, sanglant, tendant les bras vers Zcyn.
« Aide…. »

La troisième fois il ne se releva pas. Dans un frénétique cliquetis de lames, les Fanatiques déchiquetèrent jusqu’au plus petit lambeau de chair. Puis il y eut une sorte de déclic, toutes les marionnettes mécaniques se figèrent, et l’instant d’après se remirent en marche, imperturbables.

Le confiseur revenait vers la place du marché.

« Trois jours qu’il traînait là, à importuner les clients et à essayer de nous voler notre marchandise. «

Zcyn revint s’asseoir sur les marches, s’étonnant de l’amertume qu’elle ressentait. Des kobolds, elle en avait tué des dizaines, souvent sans même y prêter attention, juste parce-que dans le groupe de monstres il y en avait un ou deux. Mais celui-là était venu à elle. Il l’avait fait rire avec sa voix ridicule. Elle lui avait donné une pomme.
Sa tête agitée d’idées maussades s’affaissait sur ses genoux. Ses paupières se fermaient. Et se rouvrirent d’un coup.

« En route, mauvaise troupe ! » Le chef de guilde tapotait de son bâton les bottes de l’assassine.

Ils empruntèrent la sortie Sud. Juchée sur son ornitho, Zcyn fixait l’horizon droit devant elle, s’efforçant de ne pas regarder l’endroit où Nim-Nim avait péri. Bientôt ils perdirent de vue la ville. Quittant les voies principales, ils bifurquèrent vers l’Est et traversèrent la région des Roseaux verts. L’assassine, quoique dubitative devant ces inutiles détours, n’osait questionner son chef et, incertaine des possibles règles protocolaires à observer, lançait juste des phrases anodines de-ci, de-là.

« Les roseaux verts… Luerphédon ma panthère s’est enfuie par là, une fois. »

Dans la forêt obscure, elle hasarda « Ah, on est dans la zone des wyverns. C’est là que j’ai passé mon cinquième Rang. J’ai fait un bon score! Il n’y a que Kazanov qui a fait mieux. Kazanov… »

La mine de la jeune fille s’était assombrie. En guise de réponse, le Sorcier lança son lydian au galop. Il ne voulait pas que dans l’esprit de Zcyn macèrent de sombres idées de culpabilité, de destinée légendaire qui l’excluait du monde des humains, de stature quasi-divine dont le prix à payer était d’être maudite, de causer la perte de ceux dont elle croisait la route. Le rattraper, rester en selle sur un ornitho qui cavalait à fond de train, ça allait la tenir occupée.

En peu de temps il furent dans Marduka.
« Mes respects, Garde Benny ! » s’écria Hésac en passant devant le poste de garde. Zcyn adressa aussi un vague salut, tout en cherchant à ne pas se faire trop distancer. Le Sorcier continua à longer la côte, et ne mit pied à terre qu’au voisinage de la Ville en ruine.

« Allez, on est assez loin maintenant. Dix minutes de halte, pour faire souffler les montures. »
Il s’assit à l’ombre d’un mur à moitié démoli, suffisamment loin du portail qui menait à El-Kassia pour ne pas être dérangés par quelque groupe d’aventuriers. Ni entendus.

« Nous allons continuer à longer la côte, jusqu’au Marais des noyés. Enfin, on va quand même s’épargner la Montagne de cristal, on coupera plein sud une fois dépassé le Verger de l’aurore. »

« Le Marais des noyés ? « s’étonna Zcyn. « Mais pourquoi on a fait tout ce chemin ? Et on n’est même pas sortis du bon côté de Rondo… »

« C’est que vois-tu, Zcyn, nous allons chez quelqu’un dont c’est peu dire qu’il est méfiant. Il va nous demander qui nous a vus, par où on est passés, si on est sûrs de ne pas avoir été suivis, etc. J’ai la chance, ou peut-être la malchance d’être, parmi les chefs de guilde ou officiels divers, au nombre de ceux à l’égard desquels il se montre un peu moins suspicieux. En conséquence de quoi, il a accepté que je passe le prévenir quand ce serait son tour de tester le donjon classe Maître. Et ce jour est venu. «


« - Et après lui, ce sera à moi ! »

« Mais oui, Zcyn. Autant te dire qu’au Donjon, ils sont dans leurs petits souliers, ils espèrent qu’ils ont prévu assez large pour avoir de quoi tout réparer après que Crime-Sud aura mis en pièces leurs monstres. Et probablement leur donjon. «

« - Crime-Sud ? Ce nom me dit vaguement quelque-chose. C’est un assa comme moi, n’est-ce pas ? »

« Comme toi ? » répondit Hésac avec un sourire moqueur. « Comparée à lui tu es à peine une rôdeuse, une apprentie pour ainsi dire. Il a totalement révolutionné la classe. Il a été le premier à se mettre aux armes éthérées, à une époque où c’était instable, où ça cassait facilement. A une époque où le rechargement était long, fastidieux, où l’éther de chaque arme de recharge devait être extrait dans une pierre à usage unique. Cela prenait des heures, sans compter tous les accessoires qu’il fallait acheter, et qui étaient détruits dans l’opération. Aujourd’hui c’est facile, mais à son époque personne n’était aux armes éthérées. Sauf lui. Mais surtout, surtout, il a inventé le concept de vitesse de frappe. Privilégier la fréquence sur tout le reste. Sur la force, sur la précision. «

«- J’aimais mieux être aux dagues aussi, quand j’y pense », glissa Zcyn.

« Crome-Sud, là aussi, fut longtemps un précurseur incompris » reprit le Chef de guilde. « Quand il chercha à rentrer chez les RoxxorsDuPoney, là où vont les meilleurs, ils s’esclaffèrent devant sa théorie, ils le jetèrent dehors. Chez les Roxxors, on privilégie le dégât pur. Tuer l’ennemi en un seul coup. Un coup qui frappe très fort, à la manière d’un Pégéhemm, leur gladiateur. Ou qui cible un point très vulnérable, comme le font LégolasKévin leur archer ou Lucrécia leur mago.
Même des gens comme Fragil ou Seita, les chefs de guilde des Paragons, qui sont souvent à l’opposé des Roxxors, trouvaient que ça ne tenait pas la route, défensivement parlant. Crime-Sud ne commença à convaincre qu’à partir du moment où il découvrit la Soif de sang des crakens. »

« - Comment ça ? Mais c’est moi qui… » s’indigna Zcyn in petto. Longtemps, les seules cartes d’apprivoisement qu’elle avait lootées n’avaient été que des crakens. RossPess avait été l’un de ses premiers familiers. Voyant qu’Hésac était lancé dans son histoire, elle préféra cependant ne pas l’interrompre.

« Avec la Soif de sang, Crime-Sud résolvait la question de la survivabilité. Plus il tapait vite, plus il était soigné. Il paracheva son œuvre en dérobant à Kévin Oussetonne, le chef des Roxxors, de quoi créer la recette d’une nouvelle forme d’éthérage, la Concentration.
Cela porta un coup terrible aux Roxxors. Plus personne ne voulait venir chez eux. Tout le monde voulait devenir Assassin. Le lac d’Arrogance était envahi de pêcheurs qui cherchaient à attraper des crakens. Et Crime-Sud se rêvait à la tête d’une Guilde dont il serait le chef, qui n’accueillerait que des assas, et qui surpasserait les RoxxorsDuPoney.


«- Ah bon ? Je n’ai pas reçu d’invitation » pensa Zcyn à voix haute, avant d’ajouter précipitamment « Mais je n’y serais pas allée bien sûr, je serais restée chez les Villains »

« L’erreur de Crime-Sud » poursuivit Hésac imperturbablement, « fut de croire que son seul adversaire serait Kévin Oussetonne et sa guilde. Mais les Roxxors avaient partie liée avec Karcinaum, et donc la toute-puissance du Conseil des Guildes. Crime-Sud ne trouva aucun appui, ne reçut pas l’autorisation de fonder une guilde. Pire, Karcinaum fit élaborer une algue microscopique qu’il dissémina dans les lacs et les cours d’eau, pour infecter les Crakens et réduire à presque rien leur Soif de Sang. Et pour couronner la contre-offensive, les forgerons de Rondo, Katan, Laksy et Horizon reçurent ordre de changer leur façon de fabriquer les dagues. D’en alourdir et d’en rallonger le manche, d’en raccourcir la lame. Bref de les rendre beaucoup moins efficaces.

« - Bon, je reste aux épées, alors. » pensa Zcyn.

« Crime-Sud ne s’en remit jamais vraiment. Réalisant que la classe assa ne serait plus jamais efficace, il tenta de se reconvertir en Mage. De par sa grande connaissance de l’équipement éthéré, Il y devint assez performant, sans toutefois apporter de bouleversement radical.
Obstinément, il continua à essayer de se trouver une nouvelle classe. Je ne sais pas où il en est en ce moment. Cabaliste, peut-être.
Sa santé mentale vacilla. Ses tendances paranoïaques, qui existaient depuis toujours, s’accrurent encore. Il quitta la ville. Oh, si Karcinaum avait vraiment voulu lancer ses limiers sur sa piste, il l’aurait retrouvé. Mais il le jugeait désormais inoffensif. Mieux, c’était un exemple vivant, un avertissement pour tous ceux qui auraient voulu se dresser sur son chemin ou sur celui des Roxxors.
Allez! Mon lydian s’est assez reposé, on repart. Il faut arriver avant la nuit, quand même. »

Territoire des hommes-lézard. Bois des fées. Souche des boisés. Portail vers l’Ile perdue. Verger de l’aurore. Les paysages défilaient. Zcyn réalisa que le Sorcier n’était pas accompagné de sa sirène. Cela faisait un sujet de conversation.

«- Castafiore est restée à Palmir ? »

« Non, elle est au Village des Créatures. Oh, juste pour quelques jours, je n’ai pas les moyens de la laisser très longtemps. Améliorer son familier, c’est un gouffre à roupies. »

«- Et en allant trouver Ris-Paulin ? Moi, il m’a amélioré Luerphédon pour rien. C’est une bête de guerre maintenant, il faut voir comment elle massacre les Génies d’El-Kassia. Enfin, elle meurt moins vite, on va dire. »

« Ris-Paulin? L’ancien teinturier, celui qu’on a retrouvé noyé ? Enfin, c’est ce que l’enquête a conclu. Alors comme ça, il voulait se lancer dans l’amélioration ? Je crois que tu as été la seule personne à bénéficier de ses services. La dernière, en tout cas. »

« - Mort ? Il est mort ? » s’écria Zcyn abasourdie, avant d’ajouter à voix plus basse, comme pour elle-même « Comme le petit kobold de ce matin. Comme Kazanov. Comme Oscar. Comme Karcinaum, même. Encore que celui-là… »

Le sorcier se mordit les lèvres. Il n’avait pas réalisé que, peu au fait des événements du monde, Zcyn apprenait seulement maintenant le décès suspect du teinturier.

« Le coupe-jarret de Palmir ! » s’alarma Hésac « L’intrus occis par SirWatson. Elle n’est probablement pas au courant non plus, attention à ne pas gaffer encore une fois. »

Une nouvelle fois le lydian fut remis au galop. Le sorcier s’en voulut de son incapacité à trouver des ruses plus variées pour distraire Zcyn.

Ils atteignirent la lugubre région de Katan. Le terrain devint marécageux. Le soleil s’étant couché, l’air devint brumeux et froid. Aux arbres encore verts et feuillus se mêlaient des troncs pourris, spongieux, ne restant debout que de par leur symbiose avec certains champignons locaux.

« Nous arrivons ! »

«- Il est bien temps, il fait nuit, il fait froid. Je n’ai jamais autant cavalé. Toutes ces heures à dos d’ornitho, Et tout ça pour arriver dans ce charmant endroit… »

« Mets pied à terre. Sa cabane est juchée sur un gros rocher. Je vois de la lumière, c’est bon signe. Attention à ne pas l’effaroucher. Il est certainement déjà en train de surveiller notre approche. Avance posément, reste bien visible, surtout ne passe pas sous Cape. Et ne vas pas tomber dans l’eau. »

La cabane en effet surplombait un lac, et la seule voie d’accès était le gros rocher lisse et glissant.
Zcyn convint que la prendre d’assaut eût été malcommode.

«- C’est petit, quand même » ajouta-t-elle.

« Ce n’est que le dessus. » répondit le chef de guilde énigmatiquement. Puis il s’avança vers la porte.
Une voix à l’intérieur se fit entendre.

« Dans ce royaume,
méritent la mort…»

« Karcinaum,
et les Roxxors » répondit le Sorcier.

C’était le mot de passe convenu. La porte s’ouvrit dans un grincement. Crime-Sud les fit rentrer et s’empressa de refermer, puis d’actionner toutes sortes de serrures, de verrous et de loquets. Il secoua un peu la porte pour en éprouver la solidité. Alors seulement, il se retourna vers ses visiteurs. Large d’épaules, massif, de haute taille quoiqu’un peu voûté, il n’avait pas la morphologie typique, souple et féline, habituelle à sa classe. L’esquive, ce n’était clairement pas son style de combat.
Il scruta le visage d’Hésac et fut vite rassuré. Ce n’était pas un sosie venu le capturer ou le tuer. Puis ce fut le tour de Zcyn, et l’examen fut plus long. Soudain, il leva les bras au ciel, et fit un pas en arrière.

« La fille de la Côte de cristal ! La fille au Craken… la Soif de sang… »

D’un geste nerveux il attrapa les mains du chef de guilde.

« C’est elle, Hésac ! La plage, le craken, l’aura rouge sur elle, les vingt monstres étendus raides morts. Elle est la cause de tout, sans elle je ne me serais jamais lancé dans toute cette histoire. «

« Allons, tu dois confondre, » répondit le Villain d’une voix rassurante « Je l’ai juste amenée parce-qu’un chef de guilde ne saurait voyager seul, et que mon aide de camp habituel n’était pas disponible. Enfin, regarde-la, elle est parfaitement inoffensive, comment voudrais-tu qu’elle… ou bien c’est un faux souvenir, un rêve que tu as fait il y a longtemps. »

L’assassin s’était remis de sa frayeur, il ne tremblait plus.
« Oui, tu as raison Hésac, cela fait longtemps. Et j’ai tourné la page ! Suivez-moi. »

Il déplaça une petite table, ôta un tapis. Une trappe circulaire apparut.

« Laissez-moi passer le premier, que j’allume quelques torches. L’échelle est raide »

L’espace au-dessous de la cabane était très vaste, avec une forme de sphère aplatie. Zcyn toucha la paroi de pierre, et fut étonnée de constater à quelle point elle était lisse et polie. Hésac, qui était déjà venu, lui donna quelques explications.

« J’en ai parlé à Moonkir, le belluaire de guilde. Et d’après lui c’est une sorte de ver géant mangeur de pierre, aveugle et sourd, à la peau suintant l’acide, qui pendant les centaines d’années de son existence, au fur et à mesure qu’il grandissait, a créé cette cavité. Au cours des siècles qui ont suivi sa mort, les bactéries l’ont décomposé puis ont disparu à leur tour. »

«- Est-ce que ça ferait un bon boss de champ ? » se demanda Zcyn.

Ses yeux s’habituant à l’obscurité du lieu, l’assassine vit que la bulle de pierre était en gros divisée en deux zones. L’une comportait une quantité de provisions qui eût permis de soutenir un siège. Salamis, jambons entiers suspendus à une longue poutre, étagères garnies de meules de fromages, boules de pain disposées dans d’énormes huches.

« L’air est très sec, avec une salinité naturelle. » commenta Hésac Tout se conserve très longtemps. »

L’autre partie était un capharnaüm d’équipements en tout genre. Armures, épées, potions, lances, grimoires, arbalètes, parchemins, masses, boucliers, épaulières, haches, empilés en un tas qui atteignait la moitié de la hauteur du plafond. Crime-Sud en revint, tenant un arc.

« - Ce tas de loot, c’était là aussi quand vous avez découvert cette caverne ? » demanda Zcyn.

« Oh non » répondit l’assassin, « J’ai ramené ça de Palmir caché, la semaine dernière. Hésac me laisse y aller en dehors des heures d’ouverture. Je l’ai fait en Glad, mais franchement le DPS n’est pas terrible. «
« Regardez ! » continua-t-il en exhibant un arc. « Je crois que cette fois j’ai trouvé ma classe. C’est décidé ! Je serai le meilleur sagittaire du monde. Tiens-toi bien, LégolasKévin ! »

« A propos de tenir » intervint Hésac, « la cordelette de l’arc il faut que tu l’attaches des deux côtés. Là comme tu t’y prends, c’est au mieux un fouet. Ou une canne à pêche. »

Zcyn, restait les mains sur les hanches, perplexe devant la montagne de butin.

«- A moi, ça me prendrait combien de temps, de looter tout ça ? Une année au moins. »

Hésac gardait un œil sur sa guildie. Cette visite avait mal commencé, mais commençait à porter ses fruits. La gamine mythomane était en train de réaliser qu’elle était bien loin de pouvoir rivaliser avec un assa de haut calibre.

« Crime-Sud, nous sommes venus pour te dire que le donjon de Maîtrise t’attend. Et pas en tant que sagittaire ou glad. Déjà parce-que LégolasKévin et SirWatson s’en sont chargés. Mais aussi parce-qu’il y a des records à battre. Plus grand nombre de monstres abattus, meilleur temps, détenus respectivement pour le moment par Seita des Paragons et PepsiDreamer des SertLeThé. Et puis, qui d’autre que toi serait plus qualifié pour devenir le tout premier Exécuteur? »

« En assa? Tu veux que je le fasse en assa? Mais… ça ne peut plus rien faire, un assa, c’est trop faible maintenant.»

« Pas quand c’est toi » répliqua le Sorcier. « Et d’ailleurs, ne serait-il pas temps que tu nous proposes quelque-chose à manger, un peu de… jambon, par exemple ? »

Zcyn tiqua devant l’absence manifeste de logique dans ce que venait de dire son chef. Qui plus est, il avait prononcé ça sur un ton bizarre, emphatique, à la manière d’un bateleur qui annonce un numéro de cirque. En outre leur hôte se frottait les mains, et son visage s’était soudain détendu, alors que son expression alternait jusque-là entre crainte et exaltation

« Hé bien pourquoi pas, Hésac, pourquoi pas? »

Il les conduisit à l’endroit où de nombreux jambons pendouillaient du plafond, et en désigna un.

« Est-ce que quelqu’un peut me le dépendre ? Il y a un escabeau pas loin. »

Zcyn ramena l’escabeau mais son chef le lui arracha des mains.

« Laisse, je vais le faire » avant de glisser à voix basse « Ton armure, elle ne couvre pas… enfin tu le vois, Crime-Sud est déjà bien atteint côté ciboulot, pas la peine qu’en plus… »

La Villaine ne comprit pas la fébrilité du Sorcier.

«- Et alors quoi, il a peur qu’en tombant je me foule la cheville ? »

Dépitée, elle suivit Crime-Sud qui s’approchait du coffret où il rangeait ses deux dagues. Dès qu’il en fut proche, Zcyn perçut un scintillement rose à l’intérieur, perceptible malgré les parois de métal, et qui gagna en intensité et en fréquence. Quand il ouvrit, l’assassine dut détourner la tête à cause de la luminosité.

« - L’âme des armes… Elles l’appellent, elles le réclament. En même temps ça doit pas être très pratique côté furtivité. »

Mais les dagues se calmèrent dès que les mains de leur propriétaire les enserrèrent, et la Villaine put les examiner. Elles semblaient légères, très légères, faites non pas d’acier ni d’un quelconque métal, mais de verre, de cristal. La courbure des lames était élégante sans extravagance. Elles paraissaient bien équilibrées. Et leur manche n’était pas rallongé. Ni leur lame raccourcie.

Zcyn réfléchissait à une façon polie de demander si, dans la mesure où il ne voulait plus rester assassin, il ne pourrait pas, éventuellement, les lui donner. Hélas pour elle Hésac revint, tenant une assiette d’une main et le jambon fumé, à la chair d’un rouge aussi profond que prometteur, de l’autre.

« Pose l’assiette sur la table, au milieu. Mets-toi de l’autre côté, tiens le jambon par la ficelle. Un peu plus bas. Prêt à lâcher ? Mademoiselle, reculez-vous ! Hésac, quand tu veux. »

Le sorcier tenait le jambon à bout de bras, juste au-dessus de l’assiette. Il tourna la tête vers sa guildie, lui fit un clin d’œil. Et lâcha.

Zcyn ne vit même pas les mains de Crime-Sud bouger. Elle ne perçut qu’un embrasement de particules roses, comme une poussière de diamants. S’était-il d’ailleurs vraiment passé quelque-chose ? Il y avait eu le clin d’œil de son chef, et la seconde d’après des tranches de jambon s’empilaient dans l’assiette, tellement minces et légères qu’elles planaient presque.

« Hmmm… fameux ! » s’écria Hésac. « On voit à travers ! »

Crime-Sud s’était éloigné à la recherche d’une bouteille de bon vin. Mortifiée, Zcyn avait en plus à supporter le petit sourire goguenard, quoique bienveillant, de son chef.

« Oui » s’écria-t-elle, « mais moi, je suis aux épées ! »

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Re: [RP] Zcyn

Messagepar zcyn » Mer 11 Juil 2018 13:47

Zcyn LXV

Embuscade


GrunMud en avait assez. Assez de se sentir un roi au rabais. Certes chez les kobolds des marais c’est par la taille que le roi était désigné. Certes avec ses un pied deux pouces il était le plus grand de tous. Mais… pas tant que ça. Et du coup son règne risquait d’être court. Il ne se passait pas un jour sans qu’un jeune adulte ne se place dans son dos, se tenant bien droit et comparant, mine de rien, sa taille. Avec le précédent roi, GrunKin, aucun n’aurait osé. GrunKin était un mahousse, un colosse d’un pied cinq pouces. Sa haute stature forçait le respect. Qui plus est, il était mort héroïquement lors d’une expédition aussi hardie que risquée, en tentant de dérober aux humains un secret technologique, en tentant de ramener une arbalète au village.
Alors, GrunMud avait longuement mûri une décision irrévocable, une décision qui allait le faire rentrer lui aussi dans l’histoire du peuple kobold. Ce que la taille ne lui offrait pas, il allait le gagner par la guerre.

Tenant à la main une binette, l’outil traditionnel dont se servaient ses congénères pour pêcher dans la vase, Il se jucha sur une souche et commença à haranguer la foule, dans l’indifférence générale au début, puis réussissant à susciter, non pas l’adhésion enthousiaste, mais une sorte d’apathie résignée.

« Peuple kobold ! Glorieux, immémorial peuple kobold, descendant des dragons ! Inventif, astucieux, habile peuple kobold ! Trouvez-vous normal que les géants nous aient relégués dans ces marais putrides, trouvez-vous normal qu’ils se gobergent des fruits juteux issus des arbres de leurs vergers ensoleillés, que leur bétail paisse des prairies verdoyantes, ne nous laissant pour subsister que nos binettes pour fouiller inlassablement la vase à la recherche de larves d’insectes ? Trouvez-vous normal que même les chats de Marduka, les burlocks des Mines, aient une vie meilleure que la nôtre ?»

Les premières réponses ne furent guère encourageantes.

« Normal? Bah oui, Ils sont plus grands que nous, du coup nous on est plus petits. »
« Leurs arbres sont trop hauts, on n’arriverait pas à cueillir leurs pommes »
« On a quand même pas que les larves, il y a aussi les champignons noirs et bien gluants qui poussent sur les souches pourries »
« Nos binettes ne marchent que dans la vase. On ne trouverait rien à manger en fouillant le sable de Marduka. »

GrunMud ne se laissa pas abattre.

« Non, peuple kobold, non ! Ce n’est pas normal Et pas normal non plus que chaque jour ils nous oppriment davantage, qu’ils en soient à enlever impunément les plus jeunes d’entre nous pour en faire dieu sait quoi dans leurs villes de pierre et de métal. Il est temps de renverser les rôles, il est temps que nous cessions d’avoir peur des géants et de leurs arbalètes, que nous cessions de plonger dans la boue, ne laissant que nos narines dépasser, dès que nous en voyons un. Il est temps que ce soit eux qui craignent nos binettes.
Mes sujets, mes frères! Ce jour marque notre renaissance. Aujourd’hui nous n’allons pas fuir, nous n’allons pas nous terrer. Aujourd’hui sera le jour de notre première embuscade, qui sera suivie de beaucoup d’autres, jusqu’à la prise de leurs villes, jusqu’à la prise de leur capitale. Kobolds, nous nous couvrirons de gloire ! Suivez-moi, suivez votre roi. Nous allons nous poster sur le bord de la route, et le premier géant qui passera, zkrrrouitch ! »


Pendant ce temps, une certaine assassine s’engageait sur un sentier menant aux marais. Ou plus exactement, laissait son ornitho courir un peu au hasard, occupée qu’elle était à l’une de ses activités favorites : aligner les jérémiades, se plaindre sans fin auprès de sa panthère, une interlocutrice idéale en ce sens qu’elle comprenait tout mais était bien incapable de s’exprimer en retour.

« C’est n’importe quoi ce donjon maître, Luerphédon, n’importe quoi ! La bonne nouvelle malgré tout, c’est que me voilà exécutrice, l’une des premières tout de même. Je pense que ça me donne droit à une nouvelle armure. Ah et un tigre, aussi, pour un mois. Mais non, Luerphédon, ne t’inquiète pas, un tigre monture, pas un familier.
Enfin bon, il n’empêche, récompenses ou pas, ce donjon est une honte! Les épreuves ont clairement été conçues pour désavantager les assas. D’ailleurs, quand on voit qui a construit le donjon… Les Roxxors ! Et c’est bien connu, les Roxxors, des assas, ils en ont pas.
Les parcours de vitesse soit-disant censés équilibrer les épreuves, parlons-en des parcours de vitesse ! Ils sont infaisables, même avec tous les trucs et astuces, les Hâte soudaine, rythme accéléré, potions jaunes. Tu touches tous les piliers de lumière sauf un, t’as perdu ! D’autres salles c’est l’inverse, faut courir sans rien toucher…Non, je suis désolée, c’est infaisable. Ah oui, sauf à avoir des centaines de millions de roupies à mettre dans un set d’armure Fourberie, et qui ne servira que pour ce jour-là.
Et les épreuves de combat ! Si je peux me permettre une petite critique, un assa il a aucune chance. Je ne parle pas d’un Crime-Sud bien sûr, avec ses dagues magiques les monstres ont même pas le temps de réagir. Mais moi, les fantômes sphériques super-lents, ils me dégomment en un seul coup. Pour les classes à distance, c’est une formalité, les classes cac avec de l’armure itou. Et puis y reste cette pauvre classe dont tout le monde se fiche, et qui a juste aucune chance dans ce combat, et ça s’appelle les assas. Après être morte cinq fois j’ai dû retourner à Palmir chercher mon arbalète. Et pendant ce temps-là, le sablier continuait à s’écouler. En plus, alors que justement, vu le mal que j’ai à tendre le câble, dans mon casier je la laisse toujours chargée, prête à l’emploi, voilà que je la trouve détendue, sans aucun carreau encoché. A croire que quelqu’un s’est amusé avec. Total, forcément, deux heures et demie pour finir le donjon, et ric-rac au niveau du nombre d’épreuves réussies. Non, tu vois Luerphédon, à mon avis… »


« Sire GrunMud ! Sire GrunMud ! Une géante approche, montée sur un oiseau-montagne et accompagnée d’une panthère-mastodonte. »

« Très bien. Tenez-vous prêts. Binettes au clair. A mon signal… chaaaaarrgeeeez ! »



« …à mon avis il faut remplacer les épreuves de vitesse par des énigmes, et que les monstres soient plus proches de ce qu’on voit au dehors. Parce-que sinon… euh Luerphédon on n’a pas marché sur quelque-chose, là ? J’’ai l’impression que l’ornitho a écrasé un truc, genre un bout de bois. Et puis qu’est-ce que tu mâchouilles ? Recrache ça ! »


Enfoncé dans la boue, GrunMud jeta un œil. Il y avait des survivants. Il essaya de se relever et tomba vers l’avant. Il savait ce que ça voulait dire, sa queue avait été sectionnée et n’était plus là pour faire contrepoids. Bah, ça repousserait, comme la dernière fois.

« Sire GrunMud…. on retourne au village, biner la vase pour chercher des larves, hein ? »

« Oui, valeureux kobolds, on va faire ça. On a peut-être vu un peu trop grand, on va commencer par faire la guerre aux larves. »


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Re: [RP] Zcyn

Messagepar zcyn » Mar 4 Juin 2019 23:31

Zcyn LXVI



Chef de guilde, ou pas




Revêtu de son armure d’apparat, arborant ostensiblement le blason des Villains ainsi que son insigne de Chef de guilde, Hesac le sorcier attendait. Devant lui se dressait l’imposante façade de marbre du palais du Conseil des guildes, à Rondo. Suite au décès de Karcinaum, un nouveau Conseiller venait d’être nommé, afin de maintenir le nombre d’iceux à onze. Et il était de tradition pour chaque chef de guilde de venir lui présenter ses respects. Hesac savait donc qu’un majordome allait d’un moment à l’autre sortir du palais, le prier de le suivre dans les dédales feutrés du Conseil, jusqu’à la salle des audiences, où le successeur de Karcinaum le recevrait brièvement.



L’usage de ces visites protocolaires, autorisait Hésac à se faire accompagner d’un page, écuyer, aide de camp ou toute personne de son choix, et quoiqu’habituellement peu féru d’honneurs et de distinctions il comptait bien se prévaloir de ce privilège. Car ce serait l’occasion de remettre Zcyn encore un peu plus à sa place, celle d’un simple membre de guilde comme tous les autres. L’expédition chez Crime-Sud avait porté ses fruits, il s’agissait de parachever le travail. Zcyn le suivrait à trois pas dans les couloirs lambrissés du Conseil, humble, muette, le majordome du palais affecterait d’ignorer sa présence. Ainsi que le Conseiller, cela allait de soi.


Le procédé était un peu rude, convint Hesac intérieurement, mais il fallait bien ça pour remettre un peu de plomb dans la cervelle de l’assassine. Une assassine qui d’ailleurs, égale à elle-même, était en retard.


Alentour, la vie de Rondo suivait son cours, les larges allées étaient parcourues par toutes sortes de promeneurs. Les aventuriers couraient. Les autres, qui ne l’étaient plus ou pas encore, marchaient tranquillement. L’un d’eux, un jeune homme, sans armes ni signe permettant d’identifier une quelconque profession, tourna la tête vers lui et s’approcha d’une façon délibérée. Ce n’était pas juste un quidam venant s’enquérir au hasard des avantages et inconvénients à être dans une guilde.


« J’vous demande bien pardon, non parce-que, vous êtes un Villain, c’est ça ? »

« En effet mon ami» répondit le Sorcier, gardant pour lui la fin de sa phrase « avec l’emblème modèle géant dessiné sur ma cape, ça semble assez évident ». Il fallait se montrer patient avec ce qui pouvait devenir une nouvelle recrue.

« Non parce-que j’aide un peu mon oncle au marché » poursuivit le jouvenceau, « et il y a quelque-temps j’ai vu Zcyn prendre la sortie Sud, et je m’étais demandé qui chevauchait à ses côtés. Vous êtes son écuyer ? Non parce-que mon cousin c’est aussi un Villain, et alors non parce-que, il arrête pas de parler d’elle, de tous ses exploits sensationnels, du coup je me suis dit, tiens moi aussi, non parce-que… »

« Allons, tout ça est très exagéré » l’interrompit le sorcier, « il ne faut pas croire toutes ces histoires, elle te le dirait elle-même »

« Elle… elle me parlerait? «


Hésac se détourna un instant. C’était précisément le genre de recrue dont il ne voulait à aucun prix. Pas question que les Villains deviennent une sorte de secte des adorateurs de Zcyn. Il fallait trouver un moyen de congédier poliment ce candidat. Ou au moins de gagner du temps.


« Mais oui, dans un groupe de donjon, on se parle. La tactique, l’ordre de marche, tourner à gauche ou à droite… »

« Un groupe de donjon… avec Zcyn… Non parce-que, après ça, je pourrai mourir ! »

Le sorcier fit la moue devant l’extase béate qui figeait le visage du jeune homme.

« T’en fais pas mon ami, tu mourras aussi pendant, et même plusieurs fois. Mais dis-moi, dans groupe de donjon, il y a groupe. Et en as-tu un, de groupe constitué ? »

« Euh… » bredouilla l’autre, désorienté et comme sorti d’un rêve « J’vous demande bien pardon, je vais faire le tour de mes potes et je reviens, non parce-que… »


Il s’éloigna, fut bientôt hors de vue. Et ça tombait bien. Dans son dos, le pas léger et rapide d’une assassine en retard se faisait entendre. Concomitamment, loin devant lui, une grande porte cochère venait de s’ouvrir, livrant passage non pas à un intendant, maître d’hôtel ou valet en livrée comme le Sorcier supposait, mais au Conseiller en personne. Hésac se mit à marcher à sa rencontre.


« Hé bien, celui-là au moins il n’est pas fier. Il n’envoie pas un laquais, il vient en personne. Voilà qui me plait. »


Il se redressa, arborant une posture à la fois martiale et humble, ne quittant pas des yeux le haut dignitaire. Qu’il ne reconnaissait d’ailleurs pas. A priori, ce n’était pas un ancien chef de guilde. Les dix Conseillers étaient manifestement allés chercher leur nouveau condisciple parmi les gens qui n’avaient jamais occupé le moindre poste de pouvoir.


« Ainsi ils sont sûrs qu’il n’a trempé dans aucune des infâmes combines de feu Karcinaum. Bien joué, les vieilles barbes ! »


Voyant l’officiel s’approcher en ouvrant les bras et le visage empreint d’une joie sincère, le chef de guilde en fit autant. A sa grande surprise cependant, le Conseiller le dépassa et poursuivit sa route.


« - La rôdeuse de Siraq ! »
« - Le vieux traqueur ! » répondit la Villaine.


Ils se donnèrent l’accolade. Hésac s’approcha, perplexe et quelque-peu contrarié. Pourquoi fallait-il donc toujours que tout le monde connaisse Zcyn ? C’était énervant, à la fin.


« Hé oui,» reprit le nouveau Conseiller en arborant un large sourire. « Je ne sais pas ce qu’ils m’ont trouvé, hé hé hé. La renommée certes non, l’âge oui, hi hi hi. En tout cas moi ça m’arrange bien. Aventurier, ce n’est plus pour un vieux traqueur comme moi. L’’équipement looté dans les ruines de Siraq, ça ne se revend plus guère, je ne gagnais plus trop ma vie. Me voilà donc Conseiller ! Je remplace Bougon, je m’occuperai des passages de Rangs. Et apparemment, rôdeuse, je ne t’y verrai pas, ha ha ha. Tu en es où, tu brises toujours des arbalètes ? »


« J’en utilise le moins souvent possible. Et question Rang, je suis passée Exécutrice » répondit Zcyn fièrement. « La toute première ! Au fait les Rangs, si vous les faites passer, que devient Bougon ? »

« Votre Grandeur, » intervint Hesac, « ma guildie veut bien entendu faire référence au très noble et très estimé Conseiller Bougon, pardonnez son langage fruste, c’est une simple aventurière. »

« Bougon ? Hé bien lui il remplace Karcinaum. Je ne devrais pas vous le dire, mais il a mis à jour une sorte de double comptabilité. L’officielle d’une part, la vraie d’autre part. Karcinaum a détourné des sommes énormes ! Il y a largement de quoi payer ce qu’a coûté la construction du donjon Maître. Voire d’en construire un deuxième. Et vous savez le plus beau, ho ho ho ? C’est dans la propre Salle des coffres du Conseil qu’il cachait son or et ses roupies ! »

« En tant que citoyen et chef de guilde » tenta le Sorcier « je ne peux que me féliciter de cette nouvelle qui, je suppose, met fin au projet de Fiscalité que feu Karcinaum voulait établir ».


Le vieux traqueur sembla s’apercevoir enfin de la présence du chef de guilde. Pour la forme, il marmonna quelques salutations officielles. Puis sans plus de cérémonies il prit Zcyn sous le bras et s’éloigna. Le Sorcier resta planté là, décontenancé, et capta quelques mots.


« A propos de Karcinaum, il faut que j’aille à l’Ile Perdue, rôdeuse. Mais je suis un peu vieux pour ça. Alors… »


Puis il n’entendit plus rien. Il se tint là sur place un instant, dubitatif. Il n’avait pas été congédié dans les formes. En conséquence, devait-il attendre que le Conseiller ressorte ? Ou envoie au moins un majordome. Un laquais. Quelqu’un. Il se disposait à patienter, disons une heure, en espérant ne pas être dérangé par tous les importuns de passage, ou par des margoulins du genre...


« - FoolFellow, pour vous servir ! » Le belluaire faisait la révérence.


« Bien le bonjour, chef de guilde, Permettez-moi de vous demander tout d’abord, permettez-le moi, des nouvelles de votre familier, comment s’appelle-t-elle déjà, Castafiore n’est-ce pas, chef de guilde, Castafiore la sirène. Vous cherchez à l’améliorer, m’a-t-on dit, hé oui que voulez-vous, un belluaire négociant en familiers se doit de connaître ce genre de choses, il se le doit, J’ai des accords avec la Ferme des créatures, je peux vous faire avoir un important rabais, mais oui chef de guilde, un rabais qui pourrait aller jusqu’à une quasi gratuité… Hé oui FoolFellow est ainsi, généreux, désintéressé, soucieux du bien-être et de l’efficacité au combat de tous les familiers du monde.

En outre les Villains sont une guilde chère à mon cœur, Sorcier, oui très chère à mon coeur. Une assassine de chez vous ne m’a-t-elle pas apporté au fil des saisons quelques belles affaires ? Une coloration de dragon, une statuette d’Oscar achetée une bouchée de pain, sans parler de l’élimination de Karcinaum, un personnage qui freinait énormément mon négoce… »


« - Zcyn n’y est pour rien ! » protesta un Hésac indigné « Elle est bien incapable de tuer qui que ce soit. »


« Si vous le dites, Sorcier, si vous le dites, alors je le dirai aussi. « répondit FoolFellow avec un sourire conciliant.

« De même nous dirons qu’elle n’est pour rien, pour rien du tout, dans la noyade de Ris-Paulin, celui qui avec ses améliorations gratuites de familiers aurait pu faire péricliter mon chiffre d’affaires.

Oh, on m’a dit aussi, chef de guilde, et croyez bien que j’en suis navré, que vos Villains avaient subi une intrusion, pour ne pas dire un cambriolage, et une fois encore j’en suis ô combien navré. Je serais désolé que cela se reproduise, oui réellement désolé.
Et FoolFellow – pour vous servir - a la solution adaptée à votre situation : toute une gamme de familiers de garde ! De la fée rouge au Tyrant, en passant par les Nagas. Imaginez deux familiers de faction devant la porte de votre salon, voire devant toutes les portes du quartier réservé de votre donjon. Quel prestige, quelle éclatante affirmation de votre statut, ne trouvez-vous pas ? Et les fées rouges, ça éclaire aussi, plus besoin de torches. Achat ou location, à votre guise. Prix de base, cent mille roupies par jour, presque rien, d’autant que c’est l’argent de votre guilde, pas le vôtre. Ah par contre ils ne peuvent pas participer aux sièges, sauf si vous payez un léger supplément, très léger vraiment, oui très léger.

Je vous laisse à présent chef de guilde, je vous laisse, c’est le jour où je fais le tour de mes boutiques. Et pensez bien à notre arrangement, Sorcier : vos Villains me louent des familiers, et moi je fais améliorer votre sirène. »


Sans rien répondre, Hésac regarda FoolFellow s’éloigner. Un certain agacement le gagnait. Alors quoi, c’est comme ça qu’on voyait les chefs de guilde ? Des gens qui spoliaient leurs guildies au profit de leur enrichissement personnel ? Des gens ne demandant pas mieux que de se laisser corrompre ?


« Pardonnez-moi, chef de guilde, pourriez-vous… » prononça une voix dans son dos.


« Ah, mais ça suffit ! » tonna Hésac « on n’a besoin de rien ! On ne recrute personne ! »


Il se retourna brusquement, se figea puis leva une main en un geste d’excuse. Son nouvel interlocuteur était trop âgé pour un candidat aventurier. De plus, il portait la cape des fonctionnaires de la ville.


« Chef de guilde, je vous invite à réfréner cet emportement que je n’ai rien fait pour mériter. Je suis le directeur du musée de Rondo, et j’aurais une requête à adresser à l’une de vos condisciples.»


« - Laissez-moi deviner » répondit Hésac que l’agacement reprenait « ne s’agirait-il pas de… »


« Zcyn, en effet » anticipa le fonctionnaire. « J’aurais besoin qu’elle vienne poser, pour un portrait de pied en cap. En armure, et avec un familier si elle le souhaite. Je conçois qu’une héroïne de sa renommée est perpétuellement sollicitée pour quelque mission de par le monde, mais cette séance de pose ne lui prendra qu’une heure, notre peintre fera juste un rapide crayonné. C’est pour la salle Zcyn, voyez-vous, une des plus visitées. »


« Il y a une salle… Zcyn ? » bafouilla le Sorcier.


« Mais oui » répliqua tranquillement le directeur, « et vous le sauriez si vous accordiez à notre musée l’attention qu’il mérite. Pour quelques roupies, vous découvrirez toute l’histoire des batailles et des guerres. Des centaines d’armes exposées, des artefacts, des reliques, des trophées. Des dizaines de salles, décorées de fresques épiques autant qu’instructives. Dont, justement, la salle Zcyn, où est présenté le seul exemplaire encore intact de collier à lak portant la si fameuse, si épique mention ‘Coule le sang, roulent les têtes’, vestige de la bataille du Portail oublié. Mais, et je le déplore, la plaque commémorative remerciant la donatrice n’est illustrée que par une petite gravure de votre assassine, donation des RoxxorsDuPoney. »


« Les… Roxxors? » bredouilla Hésac.

Alors si même les Roxxors s’y mettaient… Un sentiment d’impuissance l’envahit. Ramener un jour Zcyn à la raison lui paraissait désormais aussi illusoire qu’arrêter une avalanche avec les mains.


« Oui, ce sont de longue date de généreux mécènes, ils ne pouvaient faire moins. Cependant la gravure a été faite de mémoire, à partir de souvenirs, de témoignages, hors la présence du modèle et le résultat n’est pas fidèlement ressemblant. Le menton notamment est un peu fort. Mais je me dois de regagner le musée, mon absence n’a que trop duré. Mes respects, chef de guilde.»


Hésac était sonné. Le regard vide, il enfourcha machinalement son lydian, et demeura inerte, sans faire usage des rênes ni des éperons. Il ne reprit ses esprits qu’en percevant une sorte de clameur qui semblait provenir d’une demi-douzaine de jeunes hommes sortant d’une taverne.

« C’est lui ! » dit leur meneur en pointant un doigt vers le Sorcier. « Allons-y, mon groupe de donjon! Non, parce-que… »


Sans réfléchir, Hesac piqua des deux, direction Palmir. La monture connaissait le chemin, et c’était tant mieux car les pensées de l’asuran ne savaient que ressasser en boucle l’échec cuisant de son plan, pourtant minutieusement ourdi. A mi-chemin du donjon, ses pensées troubles et agitées se décantèrent quelque-peu. Il lui apparut qu’il s’était sans doute fourvoyé en tant que chef de guilde, et qu’il fallait qu’il y réfléchisse, afin de trouver à quel point il avait commencé à faire fausse route, et pourquoi. Il lui fallait se mettre en retrait, redevenir pour un temps un aventurier. Il devait l’admettre, c’est pour sa hardiesse, son goût pour les exploits, sa virtuosité de duelliste, ses combats à un contre trois lors des sièges, qu’il était connu et estimé. Et peu, tellement peu pour ce qu’il avait accompli à la tête de la guilde.

Arrivé à Palmir, il repoussa d’un geste quelques monstres qui s’étaient aventurés dans le hall d’entrée, puis s’engagea dans un couloir qui menait vers la salle d’armes, où il était certain de trouver…

« SirWatson ! »

Le gladiateur se retourna. Il était en train de tester divers éthérages possibles de son bouclier, face à un épouvantail mécanique qui avec une régularité d’horloge lui assenait de lourds coups de bâton.


« SirWatson, félicitations ! Te voilà chef de guilde par intérim. »


Tentant de feindre l’impassibilité, le gladiateur se remit face à l’épouvantail et répondit d’une voix la plus indifférente possible qu’il était bien entendu à la disposition de la Guilde et qu’il ferait de son mieux. Sa parade de bouclier le trahit cependant, en ceci qu’elle ne para à peu près rien, et Hesac dut traîner son gladiateur à moitié assommé hors de portée du redoutable automate.


« Haha, ça va ? Je vais chercher le formulaire d’abdication temporaire. Je ne mets pas de date de retour, ce sera peut-être dans deux ou trois lunes. Ne cherchez pas à me retrouver. Ah et ne fais rien d’irréfléchi, comme déclarer la guerre aux Roxxors. »


SirWatson, doté d’une vitalité exceptionnelle, avait déjà recouvré ses esprits.

« Mais chef, moi qui vous croyais détaché des biens de ce monde, vous tenez donc à notre donjon ? Vous craignez donc qu’on perde ? »

« - Je crains… qu’on gagne. » répondit le sorcier après un bref silence. « Les Roxxors traversent une mauvaise passe en ce moment. Les assiéger, leur prendre l’Antre, c’est risquer que cette mauvaise passe tourne à la dissolution. Or, quoiqu’on en dise, le monde a besoin d’eux. Ils ont dans leurs rangs les meilleurs de chaque classe, mais surtout ils sont une force disciplinée, constamment sur le pied de guerre. Si un danger de forte magnitude menace, ils seront la réponse la plus prompte et la plus puissante.


« Vous repartez de zéro ? Quelle classe avez-vous choisi ? » continua SirWatson pour changer de sujet. Il n’aimait pas qu’on lui rappelle que les meilleurs combattants étaient chez les Roxxors.


« Euh… je n’ai pas encore… bah, disons traqueur » répondit Hesac en repensant à son entrevue écourtée avec le nouveau Conseiller, qui l’avait pour ainsi dire ignoré et était reparti bras-dessus bras-dessous avec Zcyn.




Pendant ce temps, chez les susdits RoxxorsDuPoney, Kévin Oussetonne avait convié autour d’une table bien garnie un enlumineur du Petit Katan Illustré ainsi qu’une chroniqueuse de la Gazette de Laksy. Tout miel, tout sourire, picorant de-ci de-là un grain de raisin dans une vaste corbeille de fruits, revêtu de son armure de cérémonie afin de paraître plus à son avantage sur les croquis, il pérorait depuis un certain temps.


« La Guilde, je l’admets, s’est peut-être un peu trop dispersée dernièrement. Réceptions, mondanités, galas de charité… Aussi, nous sommes tellement sollicités ! Et c’est bien naturel qu’une Guilde de tout premier plan le soit. Cependant nous souhaitons nous recentrer sur le principal, l’amélioration constante de nos guildies et de leur armement. »


« Seigneur Oussetonne » tenta la chroniqueuse « vous savez qu’une enquête est en cours sur les agissements de feu le Conseiller Karcinaum, et sur ses liens supposés avec… »


« Fadaises que tout celà, billevesées ! » l’interrompit le Roxxor, qui prit sur lui pour retrouver son calme et poursuivre d’un ton affable « La Guilde est le bouclier du monde. La protectrice des villes et des campagnes. La Guilde est irréprochable. Comme je vous le disais, nous allons prouver que nous sommes avant tout une puissance militaire, et… »


« Donc seigneur, vous démentez avoir traqué Enny la Possédée, sur instruction de Karc… »


Elle ne put aller plus loin. Un Oussetonne rouge de colère lui coupa la parole.

« Mademoiselle, comment osez-vous ! Nous n’étions pas là quand ce décès tragique est survenu, nous n’y étions pas. Et quant à la Possédée, vous pensez bien que si nous avions voulu la tuer, elle serait six pieds sous terre depuis longtemps. Vous n’allez pas tout de même mettre en balance la parole officielle d’une guilde entière et les divagations d’une assassine de bas étage dont personne n’a confirmé les dires, même ses proches. Et donc, disais-je, et c’est ce que je compte bien lire demain dans votre gazette, et non ces rumeurs totalement infondées, nous allons dès la semaine prochaine entamer une campagne de sièges systématiques. Tous les donjons appartenant aux autres guildes vont y passer. Nous terminerons par les Parag… »


Un garde s’était approché, et murmura à l’oreille de son chef :


« Seigneur maître, elle est en bas. »


« Déguerpis, foutriquet ! Je parle à la presse. Et d’abord, qui ça, elle? «


« Elle, seigneur maître. »


Kévin Oussetonne ouvrit de grands yeux.

« Tu veux dire… Les herses, abaissez toutes les herses ! Ah, et du balai, les journaleux ! Gardes, fichez-moi ces plumitifs dehors ! Pégéhemm, LégolasKevin, tout le monde rapplique ici ! Où est-ce qu’on en est, en bas ? Il y a encore des survivants, ou elle a déjà zigouillé tout le monde? «


« Bah, non... Elle attend dehors, au portail. »


« Dehors ? Mais elle se fiche de nous, en plus. » Il s’affala sur une chaise, se prit le front entre les mains et poussa un soupir de découragement.

« Ouvrez-lui, qu’est-ce que vous voulez que je vous dise. Et remontez-moi ces herses. De toute façon, pour ce que ça sert… Si elle a décidé d’arriver jusqu’ici, c’est pas ça qui… »


Un silence crispé s’établit. Personne ne pipait mot. Les regards étaient tournés vers le chef Roxxor qui, immobile, les mains jointes, pâlissait au fur et à mesure que le bruit de pas dans l’escalier, d’abord ténu, se faisait plus net.

Finalement la porte s’ouvrit et Zcyn parut.

« Ah ben c’est là que vous étiez tous. C’est pour moi, cette petite réception ? Merci, mais j’ai déjà mangé, en fait. » Toute fière, elle montra le brassard cousu sur sa manche. « Vous avez vu ? C’est un brassard officiel ! Je suis en mission pour le Conseil des Guildes. »

Elle se planta devant Oussetonne et tendit la main. Le chef Roxxor eut un geste de recul, deux gardes interposèrent leurs lances.

« Ben quoi ? Je disais bonjour. Je suis pas venue vous démolir. On n’est pas des fourmis. Je dois vous lire ça. »

Elle déplia un parchemin

« Par décret du Conseil, Kévin Adhémar Childéric Oussetonne est temporairement déchu de ses fonctions. Il demeurera confiné dans ses quartiers personnels. »

Zcyn se prépara à continuer mais se figea, bouche bée. Le mur venait de s’ouvrir, laissant passer Lucrécia. Une fois la stupeur passée, la Villaine comprit le subterfuge : un rideau peint aux motifs du mur, en trompe-l’œil.

« Ah tiens, Lucrécia, c’est bien que tu sois là, il y a un paragraphe pour toi aussi. »


La magicienne du chaos tendit l’oreille. Etait-elle nommée chef de guilde par intérim ? Il y aurait alors toujours moyen, poison, assassin, chute de cheval, de faire en sorte que la déchéance « temporaire » d’Oussetonne prenne un tour plus définitif.


« La ci-devant Adélaïde Bertille Margot de Beaucé-Rondo, dite Lucrécia, est consignée au couvent des Servantes de la Déesse, et se mettra au service de la Mère supérieure, pour les tâches ancillaires qu’icelle voudra bien lui confier.

Adalbert Enguerran Pégéhemm et Tancrède Tiburce LégolasKévin veilleront aux destinées de la Guilde, pour le temps de l’enquête. »

« Voilà, j’en ai terminé » conclut la Villaine en repliant le parchemin. « Ah au fait pendant que je vous tiens. Et d’une, il faut nous laisser un peu tranquilles, les sièges, tout ça, je peux pas être toujours là pour vous arrêter. Et Enny aussi. A cause de vous, MissPiggy a perdu son dragon de famille.
Et de deux, est-ce que la mort de Karcinaum a affecté la masse d’échange dimensionnelle de la Sorcière ? »


Zcyn posait la question à Oussetonne mais c’est Lucrécia qui répondit.


« Karcinaum était très imprégné du Grimoire noir de la Sorcière. Donc oui, d’une certaine façon. Mais très faiblement. «


« Et ça veut dire qu’Enny ne va plus se retrouver trimballée d’une dimension à l’autre chaque fois que la Sorcière essaie de passer ? »

Lucrécia resta pensive quelques instants.

« C’est probable. Cependant tous ces aller-retour incessants d’Enny entre son monde et le nôtre ont inévitablement creusé une sorte de tunnel transdimensionnel. Autrement dit elle pourra toujours venir nous voir si elle le souhaite. »

« Mais elle n’est plus liée à la Sorcière ? »

« Non. En d’autres termes ça ne sert plus à rien de la traquer» ajouta la Roxxor en regardant LégolasKévin et Pégéhemm. « C’est-à-dire, si nous la traquions. Ce qui n’est pas le cas. »


Les choses étaient dites.

Zcyn s’en retourna au Conseil rapporter son brassard et écouter le vieux traqueur de Siraq et ses interminables récits du temps jadis, auxquels elle fit semblant de croire.

Lucrécia se fit apporter toutes les réserves d’absinthe du donjon et c’est une Magicienne du chaos ivre-morte que les domestiques de l’Antre transportèrent en carriole jusqu’au couvent des Servantes de la Déesse.


Kévin Oussetonne s’enferma dans son immense chambre et fut long à trouver le sommeil. Mais ce n’est pas sa déchéance qui en était la cause. Dans son vaste lit à baldaquin il se tournait et se retournait sans cesse.


« On n’est pas des fourmis… Mais qu’est-ce qu’elle a voulu dire ? Pourquoi des fourmis.. ? »



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Re: [RP] Zcyn

Messagepar zcyn » Lun 22 Mar 2021 20:23

Zcyn LXVII

Retrouvailles


Vaguement dissimulé dans un bosquet, non loin de l’arène de Laksy, et donc encore dans la zone d’influence et de protection de la ville, Hésac le rôdeur-ex-sorcier observait les batifolages d’une colonie de créatures de bas niveau, s’ébattant quelques deux-cents pas plus loin. Tellement loin en fait qu’il aurait aussi bien pu se redresser de toute sa taille sans risquer d’être repéré. Mais son arbalète, surtout à grande distance, gagnait beaucoup en précision si l’on tirait en position couchée.

« Reconnaissons-le, ils n’ont pas une vie facile, condamnés à vivre en lisière des villes, pourchassés à la fois par nous et par les monstres plus gros.
Bon c’est pas tout ça, par lequel je commence ? »

Mais il s’interrompit quand il les vit soudainement gagnés par la frénésie caractéristique d’un groupe qui a aggro une proie.

« Ils attaquent quelque-chose? Peureux comme ils sont… Ils doivent être à cinquante contre un. Et encore, ça doit être un apprenti-aventurier. »

Il s’approcha et effectivement reconnut au loin un homme qui arborait un équipement d’apprenti mais n’en avait certes pas l’allure svelte, jeune et pauvre habituelle d’iceux. Ni leur ardeur au combat, impatiente et brouillonne. Assis par terre, il vociférait contre les petites bestioles sautillantes qui le harcelaient en cercles concentriques. Cependant dès que Hésac apparut, elles disparurent dans les taillis. Deux humains, c’était beaucoup trop.

« Oussetonne? On a un problème, à ce que je vois. » lança Hésac d’un ton enjoué. « Et au fait, je croyais que tu étais… »

« - consigné dans mes appartements ? » enchaîna Kévin Oussetonne. « J’ai une permission de sortie, j’ai négocié avec le Conseil des Guildes. J’en avais assez de tourner en rond. Ils ont pas été chiens. Sauf que je n’ai pas droit à du bon équipement Tout doit venir des boutiques de l’Ile des Apprentis. Et je dois faire Clerc à la masse. »

« Clerc ? C’est sûr, ça va te changer. Mais après tout, pourquoi pas ? Regarde, moi j’ai changé de classe aussi, je suis passé rôdeur spé Arbalète. Et j’ai laissé la Guilde aux bons soins de SirWatson. C’est amusant de se retrouver ainsi, après tout ce temps. Te rappelles-tu nos joutes, quand nous étions tous deux des Premiers rangs? Enfin, des vrais Premiers rangs, pas comme aujourd’hui.»

Il lut une lueur d’étonnement dans les yeux du Roxxor. et se hâta de s’expliquer.

« Non non, moi je ne suis pas consigné par le Conseil. J’ai choisi de redevenir pour un temps un simple aventurier, de laisser un peu à d’autres le poids d’être chef de guilde. Je vais voir les gens, je leur propose mes services. En général ils n’ont besoin de rien, mais parfois ils ont une palissade à réparer, une meute de sangliers à chasser de leurs champs, un arbre à abattre. Et jamais dix queues de loup à ramener, hahaha. Ils me donnent quelques roupies, ou bien à manger, ou bien me laissent dormir dans leur grange.

Bon alors sinon, le clerc qui s’assoit, ça c’est dans les groupes de donjon, tu t’assois et tu soignes. En solo, tu dois faire comme toutes les classes, esquiver, parer, te replacer, attaquer avec ton arme autant qu’avec ta magie. Relève-toi, tu vas attendre qu’ils reviennent. Je vais me cacher un peu plus loin, j’en descendrai un ou deux si nécessaire.

Un massacre de petites créatures plus tard, les deux anciens chefs de guilde faisaient le point.
« Tu ne ramasses pas le loot ? » demanda Hésac, « alors moi je vais le prendre. C’est assez pour un plat de lentilles et une paillasse à la taverne. Sinon, tu as vu, il y a du mieux dès lors que tu ne restes pas bêtement assis à prendre les coups. Bon, je ne dis pas que tu vas devenir le Prêtre solo ultime mais… »

« Je ne veux pas être prêtre solo. Je ne veux pas être prêtre du tout. Je veux redevenir chef. Chef des Roxxors ! » gémit Oussetonne, la tête entre les mains.

« Ils t’ont laissé sortir » le rassura Hésac, « c’est déjà bon signe. Tout le monde sait que tu étais la marionnette de feu Karcinaum, pas son complice. Seulement les Vieilles barbes du Conseil doivent faire les choses dans les règles, recueillir tous les témoignages, vérifier tous les documents. Cela va prendre un peu de temps mais au bout du compte ils vont te rendre tes fonctions, c’est sûr.

« Et pendant ce temps, la guilde va stagner ! On va se faire dépasser par tout le monde ! » s’énerva l’ancien chef des Roxxors. »

« Je vois que tu reprends du poil de la bête » sourit Hesac. « Allons, le risque n’est pas bien grand. Prends le problème par l’autre bout : quelle guilde pourrait vous supplanter ? »

« La tienne ! Tu es le meilleur duelliste du monde ! »

« Un homme seul dans la plaine ne fait pas une armée, dit le proverbe. Et rappelle-toi mon meilleur élément, SirWatson. Son rêve était de devenir un Roxxor. Et il n’y est même pas arrivé. Alors, qui ? Les Paragon Nightmare ? Ce sont des théoriciens émérites, leur quête de l’efficience est fort louable. Mais sur le terrain, en pratique ? C’est vous qui avez tombé Vulcanos en premier, pas eux. C’est vous qui avez tombé Obsidikar, le boss des boss de l’Ile perdue.
Sur ces bonnes paroles, je te laisse, il faut que j’aille vendre ce maigre loot. »

« Tu reviendras demain ? » demanda Oussetonne.

« Je ne sais pas encore, Kévin » répondit Hésac en prenant congé. « Mais, oui, j’essaierai de repasser par ici. »

Cependant que se séparaient les deux néo-Premiers rangs, à l’autre bout de l’échelle des compétences, une assassine, suivie de sa panthère, laissait son ornitho parcourir les chemins de Katan. Sauf que justement, le pas saccadé du volatile prenant appui alternativement sur une patte puis sur l’autre, ne lui donnait pas le loisir de laisser ses pensées vagabonder à leur guise. Elle se sentait ballottée à la fois de haut en bas et de gauche à droite.

« Un mois seulement ! Tu te rends compte, Luerphédon, juste un mois, qu’ils me l’ont laissé, mon tigre. C’était parfait pour moi, un tigre, c’est confortable, ça court en restant bien horizontal, bien stable, et ça court vite. Pourquoi me l’avoir repris ? Ils en ont plein, des tigres. Alors que des Exécutrices, que je sache, je suis encore la seule. Sérieusement, c’est digne de mon rang, de devoir louer des ornithos ? Je vais aller trouver MissPiggy à l’occasion, elle a peut-être des montures dont elle ne veut plus.

Le set d’armure, par contre, je dis pas. ils ne se sont pas fichus de nous. Je ne sais pas en quoi c’est fait, on dirait un mélange de métal et de chitine. En tout cas c’est tout léger et ça résiste aux coups de n’importe quel mob. Bon, la couleur est moche comme tout. Et ces piquants sur les épaulières, ça fait un peu m’as-tu-vu. Ah et puis c’est éthéré. Ils m’ont bien expliqué, il faut pas que j’oublie de recharger après chaque donjon, si ça casse ça ne se répare pas. «

La panthère de Zcyn courait derrière, écoutant avec résignation les jérémiades sans fin de sa maîtresse. La chevauchée erratique de l’ornitho les avait fait passer non loin de la petite maison de Fargdun, et le familier avait espéré qu’on resterait là, qu’on se reposerait et que Fargdun lui donnerait une gamelle bien remplie. De poulet rôti par exemple.
Mais non. Voilà maintenant qu’on traversait le lac Lenka, et la jeune Villaine n’en finissait pas d’égrener sa liste de récriminations .

« Et puis les sorts de Maître, tu parles ! Il y a plus personne à qui je peux demander des conseils pour savoir lesquels sont les plus intéressants. En assa de haut niveau, Crime-Sud est paranoïaque et vit terré dans sa petite cabane au milieu des marais. Kazanov, encore pire, il a été exécuté dans l’arène de Laksy par son chef de guilde PepsiDreamer et son ami Hesac.
J’ai dû choisir quasi au hasard. «

Cependant Zcyn ressentait elle-même qu’au-delà de ses litanies de griefs et de critiques, la vraie question, c’était : « et maintenant ? «
Quid du fameux cercle vertueux qui l’avait portée saison après saison. Un meilleur équipement, pour une meilleure efficacité, pour un meilleur butin. Et ainsi de suite. C’est presque par hasard, à cause d’une remarque anodine de sa guildie MissPiggy que, rôdeuse encore, elle s’était mise à essayer de se procurer un loup, initiant le processus supposément vertueux. Un processus dont, pour la première fois, elle réalisait qu’il ne continuerait plus indéfiniment.

Elle repensait à la Côte de Cristal. Autrefois elle y avait passé des mois, pensant même y demeurer pour toujours. Les monstres y étaient redoutables juste comme il faut, agressifs juste comme il faut, leur respawn était fréquent juste comme il faut. Les autres aventuriers y étaient rares. C’était la zone parfaite pour y accomplir une destinée toute simple: porter témoignage, en ces terres reculées, de la présence des humains.
Tout aurait pu s’arrêter là, les jours succéder aux jours, à combattre et combattre encore, sans relâche. Et puis par hasard, elle avait découvert la Soif de Sang des crakens. Et, les golems, sirènes, dinosaures de la Côte étaient devenus d’un seul coup beaucoup trop faibles, aussi dépourvus d’intérêt que les tortues des plages d’Horizon. Le cercle vertueux s’en était trouvé relancé.

Où trouverait-elle désormais une Côte de Cristal ? Les régions peuplées de monstres de haut niveau n’étaient pas si nombreuses. Alors, l’Ile perdue probablement. La zone des licornes peut-être, avec ses deux boss rivaux. Les aventuriers ne s’y pressaient guère, il s’y trouvait peu de quêtes et pas grand-chose à apprivoiser. Oui, c’est peut-être là qu’elle pourrait se sentir à nouveau la championne du genre humain.

Quelque-chose la tira de ses rêveries. Elle fronça les sourcils. Comme souvent, en guidant machinalement sa monture, elle se retrouvait dans la Forêt obscure, tout près d’une masure en flammes. Ce n’est pas ça qui l’intriguait, depuis longtemps elle avait admis être comme aimantée à ce lieu. La cause de sa perplexité, c’était une jeune fille assise sur une souche, qui la regardait venir. Une asurane aux cheveux blancs, en Habit de pureté.

« Mais… vous êtes comme moi ! » s’étonna Zcyn.

« Elles disent toutes ça, ç’en est affligeant » soupira l’inconnue. « Voyons, Zcyn, tu ne me reconnais pas ? »

(( Et comme ça ?…))


« La voix dans ma tête ! » s’exclama la Villaine.

« Ah, quand même. Prends une souche, ne reste pas debout, Zcyn, ça va être un peu long. »

« Vous êtes la Sorcière ? » ne put s’empêcher de l’interrompre la petite-fille adoptive de Fargdun.

« Non pas. Quoiqu’il me soit arrivé de la croiser. Que dire, sa méthode de voyage par conservation de la masse transdimensionnelle globale est primitive. Aléatoire, et donc peu fiable.
Tu es familière avec le concept des dimensions parallèles, je le sais. Peut-être même as-tu voyagé un peu. Chez nous de tels voyages sont depuis longtemps monnaie courante, cela n’épate plus personne.
Si nous nous trouvons aujourd’hui toutes les deux à bavarder sous ces frondaisons, c’est qu’un jour cependant l’astronome de ma famille a découvert un procédé qui permettait de faire bien plus avec ces mondes que de simples promenades. Il a toutefois commis une erreur.

« Dans ses calculs ? » intervint Zcyn.

« Oh non, ses calculs étaient fort justes. Son erreur a été de venir m’en parler. Après quoi Il n’a plus jamais été en mesure d’exposer ses théories à qui que ce soit. Hé oui, chez nous ce n’est pas comme ici, parallèle ne veut pas dire identique. Dans mon monde soit on apprend vite le meurtre et la trahison, soit on meurt jeune. Et tu vois, j’avais des dispositions, mes cheveux ont blanchi dès ma tendre enfance mais j’ai survécu.

L’astronome avait découvert six mondes suffisamment parallèles au mien, suffisamment accueillants. Et surtout une méthode, comment dire, de duplication. J’ai donc créé six images de moi-même. Oh, pas aussi fortes que moi, loin s’en faut. De très bas niveau, respirant à peine, presque mortes. Leur insuffler plus de vie m’en aurait coûté à moi. Je les ai appelées… »

« Ouhnn, Dauss » ajouta Zcyn, se souvenant de l’écho de Porte-Espoir quand elle avait crié son nom et que l’écho n’avait pas répondu « Zcyn ».

« Mais oui ! » sourit l’inconnue. « Tu n’es pas si bête après tout. Ouhnn, Dauss, Triih, Qwart, Sainkh et Zcyn. Il ne reste que toi, tu as été la plus longue à te développer. A ta décharge, dans ton monde l’assa est une classe faible et la panthère un piètre familier. «

« Quoi ? » s’exclama Zcyn. « Ma panthère aussi… »

« Mais oui » continua l’inconnue imperturbablement, « pourquoi me serais-je privée de dupliquer également mon familier ? C’était l’une des espèces les plus puissantes, à l’époque. Depuis, on a fini par trouver mieux. Des grenouilles de pierre, le croirais-tu. Et puis, par la suite, encore d’autres espèces. »

« Alors, j’ai juste été une fourmi ? » se désola Zcyn, qui depuis une lointaine discussion avec Fargdun associait ces petits insectes industrieux à une vie d’un inéluctable déterminisme.

« Une… ? Non, non. Un animal d’élevage, plutôt. On en prend soin, on lui permet de venir à maturité, mais on n’oublie jamais qu’ à terme on va l’abattre et le manger. Ou tu peux voir ça comme une greffe. A la longue, le greffon ne se différencie plus de l’arbre hôte. Toi et les cinq autre duplicatas, à partir d’un certain temps, vous avez fait vos propres choix, vécu votre propre vie, mais au tout début bien évidemment vous avez évolué de façon quasi identique. Oui, toutes les six vous étiez vouées à devenir assa, avec comme familier une panthère nommée Luerphédon, il ne pouvait pas en être autrement.

Dupliquer mon familier, ça a d’ailleurs bien failli me jouer un tour. Vois-tu, j’utilisais toute cette zone comme un portail géant entre les six mondes. Chez moi, plus aucun monstre n’y vit. »


« Vous les avez tous tués d’un coup ?» demanda Zcyn, se souvenant d’une vague légende de Lune Aride.

« Mais oui. Tous les anges, toutes les wyverns. Du coup, il y passe encore moins d’aventuriers qu’ici. C’est devenu d’un ennui… Enfin, j’y étais tranquille. A ceci près que, quand j’ai, disons, « moissonné » Qwart, son smilodon s’est enfui et, probablement sans même s’en rendre compte, s’est retrouvé ici pendant quelques heures. Heureusement, j’ai fini par le repérer et le faire revenir pour le moissonner à son tour. Un smilodon éthéré ne risque à peu près rien dans la Forêt obscure, et c’est une bonne chose car… »

« Et s’il avait été tué quand même par les anges, ou un aventurier ? »

« S’il était mort dans un autre monde que le sien… » L’inconnue s’assombrit. « Cela aurait créé une aberration dimensionnelle. Et l’Univers n’aime pas ça. Il réagit comme un enfant capricieux, il prétend que rien ne s’est jamais passé, que rien n’a jamais existé. La panthère de Qwart, la mienne, la tienne, auraient été volatilisées.

J’ai immédiatement supprimé tous ces portails. Depuis, la zone est parfaitement étanche. »

« Parfaitement, hein ? » pensa Zcyn avant de réaliser qu’au vu des pouvoirs de l’inconnue, même penser pouvait s’avérer dangereux.
« Vous êtes de quel rang ? A quelle vitesse vous découpez un jambon ? » jeta-t-elle à l’emporte-pièce.

« Pardon? » fit l’inconnue, prise au dépourvu. « Pour le jambon, je ne saurais dire. Trente-cinquième rang environ sinon, en équivalent dans ton monde. Pareil pour Luerphédon. Enfin, la mienne.»

L’idée de mettre en doute les dires de la créature n’effleurait pas Zcyn, encore moins celle de l’attaquer. Et même, elle ne pouvait s’empêcher d’éprouver une forme de fierté à la pensée d’être, d’une certaine façon, plus forte que Crime-Sud. Incommensurablement plus forte.

« Zcyn, tu l’as compris, le temps est venu. Rien de personnel, comme on dit. Demain je mettrai fin à tes jours et ta mort me fera passer au quarante-deuxième Rang. Non pas que j’en aie réellement besoin. Ouhnn et Dauss ont largement suffi à faire de moi la plus puissante guerrière que le monde ait jamais porté. Les trois suivantes m’ont élevée au niveau d’une quasi déesse. Mais je dois aller au bout de la démarche. Te laisser en vie ne serait guère équitable vis-à-vis de tes cinq ‘sœurs’ .

Comment veux-tu mourir, Zcyn ? Demain je vais prendre le contrôle d’une créature d’ici, et cette créature va te tuer. Qui choisis-tu, Zcyn ? Un serpent venimeux qui te mordra dans ton sommeil ? Veux-tu, haha, veux-tu que ce soit Fargdun qui t’égorge ? »

« Non ! Pas Fargdun, laissez Fargdun tranquille. » s’épouvanta la Villaine.

« Mais alors, qui ? » insista l’inconnue avec un sourire grimaçant. « Tu dois faire ton choix. »

« Butkadah » glissa Zcyn dans un souffle. « Butkadah caché ».

« Qu’il en soit selon ton vœu. Oh, et ne pense pas que cela me posera la moindre difficulté de prendre le contrôle d’un boss de donjon. Pour un temps assez bref certes, mais qui suffira largement.
A demain Zcyn, pour nos ultimes retrouvailles ! »
La créature écarta les bras, paumes tendues vers le ciel, ferma les yeux. Et disparut.

Quelque-part dans Lune Aride, le stylet d’un magicomètre dévia légèrement. Puis, après quelques oscillations, il reprit sa position initiale.


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Re: [RP] Zcyn

Messagepar zcyn » Mer 21 Avr 2021 18:07

Zcyn LXVIII

Tabula rasa


La créature disparue, Zcyn resta quelques minutes immobile, figée. Seule sa vision périphérique surveillait, par réflexe, les lentes allées et venues des nagas ansi que le vol erratique des wyverns. Puis elle fit deux pas en arrière, se rapprochant d’un certain angle que formait une chaumière en flammes, brûlant depuis l’éternité d’un feu sans chaleur. Ses yeux ne perçurent plus rien hormis le paysage. Deux pas en avant, les créatures de la Fôret obscure réapparurent. L’assassine s’efforça de ne penser à rien, de rester calme et détachée. Mais elle ne put empêcher son cœur de battre un peu plus vite.

Puis elle enfourcha sa monture.
« Je commence par quoi ? » se demanda la Villaine. Elle décida de se rendre à Palmir, le donjon de Guilde. Plus précisément, dans le bureau de SirWatson, le Villain en charge des raids de donjon. Et d’un peu tout en fait, depuis qu’Hésac, le chef en titre, menant sa propre quête intérieure et parcourant le monde en vue de se réconcilier avec lui-même, avait délégué ses fonctions au gladiateur.

Et SirWatson n’avait pas tardé à vouloir imprimer sa marque dans la marche de la Guilde. Il trouvait qu’Hésac avait un peu trop négligé le style, le décorum, l’apparat, et entendait mettre fin à cet état de fait.
« Villains certes, mais avec classe » était son motto. Déjà, il avait fait réaménager la salle du chef, qu’il occupait désormais, avec des meubles en bois d’essences rares, lourds, massifs, polis comme des miroirs, rehaussés de marbre et décorés par des liserés d’or fin. Les murs, autrefois nus et sommairement garnis d’une carte de Rondo et d’une autre des portails internes du donjon, avaient été crépis à neuf et de lourdes tentures de velours y avaient été tendues. Trois sculptures ornaient également le mur du fond, des bustes d’Oscar, du héros Hector, et de SirWatson lui-même.
Par ailleurs il avait assigné quatre jeunes guildies à la garde du couloir qui menait à la salle. Et il leur faisait répéter leurs positions.
« Deux de chaque côté. Garde à vous ! Repos. Quand je rentre, vous saluez. Quand je sors, vous saluez. Quand quelqu’un se présente, vous croisez vos lances pour faire barrage. Et vous attendez mon signal pour le laissez passer. Et faites bien briller vos armures. Vous êtes là pour décorer. »

Il s’éloigna un peu dans le couloir, puis revint. Les gardes ne bougèrent pas.
« Et alors ? Réagissez ! Croisez les lances ! «
« - Mais… c’est vous, chef. »
« Mais non, voyons ! Je suis un visiteur. On reprend. »
Cette fois quand il revint les gardes s’interposèrent.
« Très bien ! Maintenant, vous annoncez le visiteur. »
« - Chef ! » s’écria un des gardes en se tournant vers l’intérieur de la salle « Il y a le chef qui se présente. Enfin, je veux dire un visiteur. Non, parce-que…»
« Parfait. » conclut SirWatson. « On continuera demain. ».
Les gardes ne s’écartèrent pas.
« Mais qu’est-ce qui vous prend, maintenant ? Laissez-moi rentrer, enfin ! «
« - Chef, c’est que… vous êtes qui, là ? Vous êtes vous ? Non parce-que… on ne s’y retrouve plus. »

Le gladiateur s’assit dans l’épais et moelleux fauteuil et se laissa aller à une douce somnolence. Dont il fut brutalement tiré par les gardes d’apparat, qui, à l’unisson, avec un bel ensemble, venaient d’annoncer
« Dame Zcyn ! »

Et effectivement la dame en question avait déboulé dans le donjon et se tenait maintenant debant lui. Non seulement les gardes ne l’avaient pas stoppée mais, à la stupeur de SirWatson, avaient posé leurs lances au sol et se tenaient genou à terre, une main sur le cœur.
« J’avais oublié, ils l’idolâtrent. Les Villains de bas niveau et même beaucoup d’apprentis aventuriers qui ne sont pas chez nous. Les voilà avec un sujet de conversation pour deux semaines. On l’a vue en vrai ! On aurait pu la toucher ! Bla-bla-bla. Bon, ces gardes, c’était une mauvaise idée, je mettrai des fées rouges à la place. Il paraît que FoolFellow en loue. »

« Relevez-vous, enfin ! A quoi ça ressemble ? » ordonna-t-il. Les quatre Villains ne bougèrent cependant point, jusqu’à ce que Zcyn leur fasse un signe de la main.

L’exaspération montait chez le Gladiateur, de façon quasi épidermique, comme à chaque fois qu’il était en présence de l’assassine. S’y ajoutait le sentiment confus et déplaisant de lui être redevable concernant certains événements inattendus, comme d’être devenu le tout premier Berzerker aux dépens de PégéHemm, son rival de chez les Roxxors. Et même, si ça se trouvait, d’être devenu chef des Villains à place d’Hésac le Sorcier.

« Alors Zcyn, qu’est-ce qui t’amène ? » enchaîna-t-il. « Ah, tu veux t’inscrire à un raid ? Le donjon des cubes ? Voyons cela… Oui, tu as accumulé largement assez de points d’ancienneté. Et tu en as utilisé très peu. En fait, tu as fait Luna Aride avec moi, Palmir avec Moonkir, et puis c’est tout, en terme de raids de Guilde. En conséquence de quoi je ne saurais m’opposer à ton souhait. Mais tu sais, c’est du costaud ce donjon. Des mobs à longue portée et très résistants, tout le contraire de ce pourquoi tu es faite. Enfin, c’est toi qui vois, il paraît que tu es une Exécutrice, après tout. Te voilà inscrite pour demain. «

« En revanche je ne pourrai pas être là, c’est DarkMatter et Moonkir qui mèneront le raid. » ajouta le gladiateur en se réjouissant in petto de la galère que cette équipée constituerait pour un groupe dépourvu de tank.


L’étape suivante pour Zcyn était le marché de Laksy. Elle repéra rapidement le coin des vendeurs de familiers.
« Je vous échange mon Génie contre une fée bleue et une rouge, stadées au max mais pas éthérées. Il s’appelle L33t.»
« - Mais… votre Génie vaut beaucoup plus » protesta le marchand éberlué, « je ne peux pas faire ça, je suis un commerçant mais là ce ne serait pas du commerce, ce serait du vol. »
« Vous voulez que j’aille voir un de vos collègues ? »
« - Non, non… » soupira le marchand « mais laissez-moi au moins ajouter ces deux lingots. »

Dans les allées elle tomba sur MissPiggy, grande habituée des lieux, et qui tenait en laisse un dragonnet.
« Zcyn ! Quelle surprise ! Toi aussi tu es venue faire emplette d’accessoires pour familiers ? Quoique je sais pas s’ils ont grand-chose pour une panthère. Tiens, je te présente Fafnirette. La famille a jugé que les MoneyPenny ne sauraient demeurer sans dragon, et c’est moi qui ai été chargée de l’élever. Elle n’a pas encore d’ailes bien sûr, mais regarde, c’est amusant, elle essaie déjà de cracher du feu. Je ne vais pas l’éthérer tout de suite, ça leur fait des sortes de zébrures et moi les zébrures, dans ma garde-robe je n’ai rien qui s’assortit avec. »
« - Tu tombes bien MissPiggy » répliqua Zcyn sans s’attarder sur les mérites de la dragonnette, « aurais-tu deux parchos de retour ? Tu sais, les spéciaux, ceux du Village Caché. Moi je n’ai pas le Passe et… mais je te les paie, évidemment. »
« On verra ça plus tard. Tiens, en voilà deux. Tu sais t’en servir au moins? Non? C’est très simple, d’abord tu en actives un là où tu veux revenir, par exemple chez Fargdun ta grand-mère adoptive. Puis tu actives le second quand tu veux, de n’importe où, et pouf, te revoilà chez toi. «


« Le Génie, c’est fait. » récapitula l’assassine en descendant les multiples escaliers qui menaient vers les niveaux inférieurs de Laksy.
« Le loup, maintenant. »
Au sortir du portail, face à l’Antre qui dessinait son entrée lugubre dans le paysage neigeux, elle prit le chemin de gauche, menant à des zones plus sauvages, que les aventuriers fréquentaient moins. Continuant à marcher, elle invoqua Sabaka, qui se mit à trotter dans ses pas, tout en humant l’air, déjà prêt au combat ou à la chasse.
« Et maintenant, va-t-en! » cria Zcyn en feignant la colère. « Allez file, déguerpis ! »
Par réflexe le loup recula de quelque pas, puis chercha à revenir, tête basse, d’un pas hésitant. Mais sa maîtresse le chassa encore et lui interdit de s’approcher quand elle-même commença à prendre le chemin du retour vers le Portail. Désemparé, ne sachant ce qui avait bien pu provoquer le courroux de sa maîtresse, le loup s’assit et hurla à la mort. Puis le silence retomba. Zcyn continua de s’éloigner imperturbablement. Mais du lointain des forêts retentit un autre hurlement, celui d’une meute qui répondait. Sabaka dressa les oreilles, fit un premier pas puis s’arrêta et se retourna vers la Villaine.
« Mais fiche-moi le camp! Je ne veux plus te voir !
Sabaka hurla à nouveau, et à nouveau la meute lui répondit. Il se mit à courir.
« Ils sont plus gros et plus costauds ceux d’ici mais il est tellement plus vif et agile. » se dit Zcyn. « Il est stadé, il est éthéré. Il saura se faire respecter. Il deviendra peut-être même leur chef. »


Katan maintenant. Plus précisément, Blessure d’arrogance. Là où elle avait apprivoisé RossPess son cracken, il y avait des saisons de celà. Elle le tint un instant un bout de bras, songeant que, tout de même, à un moment donné, avant que la Soif de Sang ne marche plus, ils avaient fait un bon duo. A peine posé au sol, il fila tout droit et plongea pour ne plus réapparaître.
« Celui-là, jusqu’au bout il sera resté une énigme. » soupira la Villaine.



La cabane de Fargdun n’était pas loin, elle y revint à pied, sans prendre la peine d’enfourcher son ornitho ni de repousser les mobs errants, qui de toute façon, trop conscients de la disproportion des forces, avaient tendance à faire semblant de ne pas l’avoir vue.
« Tiens, je t’ai ramené ça » lanca-t-elle du ton le plus insouciant qu’elle put prendre. « Une fée rouge pour éloigner les vilains méchants monstres de par ici, et une bleue pour soigner tes rhumatismes. »
Ses talents de comédienne étaient cependant loin de rivaliser avec son habileté dans le maniement des dagues.
« Mais… Tu ne vas pas me laisser, n’est-ce pas ? » répondit avec inquiétude sa grand-mère adoptive. ‘C’est quoi, tu pars en campagne avec ta Guilde ? »
« C’est juste que je suis passée par le Marché de Laksy. Et puis, j’ai les moyens maintenant. Enfin, les moyens d’acheter des fées. »
Faisant mine de ranger certaines pièces de son armure, la jeune fille glissa ses deux lingots sous une pile de linge. Fargdun les découvrirait lors de son prochain grand nettoyage annuel.
« Je file maintenant. Je serai de retour pour le souper. »

« Les parchemins, maintenant ! » lança-t-elle une fois au-dehors. Elle fit prendre à sa monture le chemin de la Forêt Obscure, puis celui de la chaumière en ruine dont elle savait qu’un des angles, et c’était au moins un mystère de résolu, était un résidu de portail vers le Katan d’une dimension parallèle. Elle s’en assura en vérifiant qu’aucune créature n’était visible.
« Dans cette dimension elles ont toutes été tuées. Bien. Donc, je déclenche l’un des parchos du Village Caché ». Puis un doute la saisit et elle se ravisa.
« Pas sûr que ces machins permettent de voyager entre les mondes » se dit-elle en considérant le rouleau magique qu’elle tenait en main. Elle avança donc un peu puis déclencha le sort. Le sol autour d’elle émit une brève lueur tandis que le rouleau de papier tombait en poussière.
« Je n’aurai que deux pas à reculer. »

Restait le plus difficile.
Du portail de Katan elle se rendit à l’Ile des Apprentis et prit la sortie qui donnait vers la zone de vergers où s’ébattaient loups, panthères et, à leur façon pataude, tortues, tout un petit monde d’avenants familiers attendant que quelque aventurier veuille bien les apprivoiser. Elle invoqua Luerphédon, sa panthère, aujourd’hui un large et massif smilodon. C’est d’ici qu’elle venait. Elle se rappela comment elle avait couru vers elle suite au succès de la carte d’apprivoisement. Son premier familier.

Elle marcha jusqu’au bord de la falaise et s’assit, face à la mer.

Ben alors, on fait rien, on chasse pas ? Les trucs volants sur la plage à côté? Les monstres un peu plus loin avec des lames à la place des mains? Bah ok, moi la sieste je demande pas mieux.

La panthère se coucha sur le flanc, la tête contre la cuisse de sa maîtresse.

On fait quand même une sacrée bonne équipe, hein ma grande. C’est sûr, une classe assa c’est tout chétif, ça a besoin d’un familier bien costaud comme moi. On y a mis le temps, mais ça y est, on est au point, nos mécanismes sont rôdés. Enfin, pas encore tous. L’attaque 8 par exemple, où on prend l’aggro chacune son tour pour faire aller et venir les monstres sans qu’ils nous touchent jamais, faut bien dire qu’on y est jamais arrivées. Mais l’attaque 1, par exemple, ma préférée, celle où on fonce dans le tas sans se poser de questions, on maîtrise plutôt pas mal.
Hmmmrrr, j’aime bien quand tu me caresses comme ça dans le cou. Sauf que ta dague, tu pourrais la lâcher cinq minutes? Je sais bien qu’un assa ne fait qu’un avec ses dagues, mais le métal c’est tout froid. A quoi je rêvassais ? Ah oui, nos techniques de combat, par exemple contre les mobs élite, comme…

Attaque 17 à la carotide. Perte de conscience instantanée. Mort rapide et indolore.

« Adieu ma panthère, meurs heureuse et insouciante. »






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Re: [RP] Zcyn

Messagepar zcyn » Mer 15 Sep 2021 17:39

Zcyn LXIX

La fin




« Oh que si ! Je vais faire tanker deux tortues. »
« - Enfin, tu as quand même mieux que ça comme familier. On n’est pas à Lune Aride, c’est le donjon des cubes, c’est Butkadah. »
« Raison de plus ! Je vais pas aller bousiller mes familiers élite parce-qu’il est venu à la petite starlette de la Guilde le caprice de nous faire chasser le koala ici. Alors ce sera deux tortues en double invocation»

Le différend qui opposait Moonkir le belluaire d’une part, et DarkMatter l’élémentaliste d’autre part, n’était pas qu’une aimable joute dialectique entre ces deux membres éminents de la guilde des Villains pour passer le temps en attendant que tout le monde arrive. Certes comme à chaque fois que SirWatson était absent, le groupe se retrouvait sans tank et devait confier à des familiers le soin d’encaisser autant que faire se peut les attaques des monstres. Certes ce souci récurrent des Villains se trouvait exacerbé par l’orgueil de SirWatson qui se voulait le Tank Ultime et ne manquait pas, par des piques incessantes, d’acerbes critiques ou de condescendantes remarques, de décourager tout jeune paladin ou chevalier qui aurait souhaité intégrer la Guilde. Aucune solution de rechange donc.
Pour ne rien arranger, les Villains ne disposaient pas non plus d’un soigneur d’élite, le Tank Ultime mettant un point d’honneur à solliciter en combat aussi peu de soins que possible, et ne manquant pas de mentionner ce point précis chaque fois que, entré dans quelque taverne, il relatait par le menu la longue liste de ses exploits. . En conséquence, avoir été soigneur chez les Villains ne constituait guère une carte de visite avantageuse. Du coup c’était Nazba qui s’y collait aujourd’hui, une petite prêtresse sans réelle ambition et déjà bien contente qu’on l’emmène en raid de guilde découvrir un donjon dont elle se serait vite fait kick si elle avait tenté sa chance dans un groupe standard.

Et d’ailleurs personne ne l’aurait prise dans un groupe standard. Les Cubes était un donjon où le tank mettait entre les mains du soigneur non pas seulement sa vie, mais pour ainsi dire sa carrière. L’attaque spéciale du boss final ne provoquait ni blessure ni empoisonnement ni brûlure, c’était une suite de vagues d’induction nerveuse causant une douleur de plus en plus intense, et espacées de trois secondes de répit. Le soigneur devait laisser le tank encaisser la première vague et immédiatement lancer un cleanse. Que dans l’affolement du moment ou par réflexe il lance un soin, ou bien que le tank ne reste pas suffisamment stoïque et immobile sur la première vague pour que le soigneur puisse le cibler correctement, et c’était fini, le processus suivait inéluctablement son cours pour ne s’arrêter qu’au trépas de l’infortuné paladin, chevalier ou glad...
Les érudits étaient pour une fois d’accord entre eux et estimaient qu’il y avait dix vagues, mais la pratique ne l’avait pas confirmé sachant que personne n’avait survécu au-delà de huit, et même ceux qui étaient allés jusqu’à quatre ou cinq avant de s’écrouler raides morts avaient mis des mois à se rétablir.
Butkadah tuait par la douleur.

« Caprice ou pas, on n’avait pas trop le choix. » rappela DarkMatter, relançant la discussion. « Ne l’avoir fait participer à aucun raid depuis des saisons et des saisons alors qu’elle avait accumulé tous ces points d’ancienneté, ça nous exposait à une admonestation de la part du Conseil des Guildes. «
« Une admonestation, tu y vas peut-être un peu fort. » protesta Moonlir. « A t’entendre c’est tout juste si on a échappé au Blame solennel. Non, une observation peut-être, à la limite une remontrance. Et puis dis-donc, je te rappelle que c’est toi qui es censé tenir à jour les registres des Villains, c’est toi qui aurais dû t’apercevoir qu’elle avait ce total astronomique. »

Le Conseil des Guildes, instance suprême qui oeuvrait pour l’intérêt général et dont l’autorité était reconnue par tous, disposait en effet de gradations multiples dans la façon dont elle faisait savoir son mécontentement à une guilde. Observation bénigne, Incitation bienveillante, Rappel des bons usages, les guildes s’en souciaient assez peu. Remontrance indignée, Admonestation légitime et a fortiori Blame Solennel, étaient en revanche rendues publiques par voie d’affiches, et les guildes ressentaient cette tache faite à leur réputation comme le premier pas sur la pente glissante menant tout droit à une inéluctable dissolution.

Bravant la brise givrante qui balayait l’Ile en toute saison, Moonkir le Belluaire leva les yeux et discerna une silhouette qui s’approchait.

« Ah ben, la voilà ! Presque à l’heure, en somme. Et puis tiens, sans aucun familier ! Même le petit apprenti, il amène son volatile, il fait un effort.. J’ai mes douzaines de tortues, tu as ta harpie, même Nazba a son Ange, c’est pas terrible terrible un Ange mais au moins on peut pas lui reprocher de pas faire preuve de bonne volonté. Mais voilà, on est Zcyn la légendaire, on est une star, on est considérée par tous les bouseux du pays comme la Déesse réincarnée, alors faudrait surtout pas qu’on fasse comme tout le monde, on se pointe en retard et les mains dans les poches. Tranquille, quoi. »

Nazba venait elle aussi de reconnaître Zcyn et arborait un sourire crispé, bien consciente que lors de son dernier raid avec l’assassine, à Palmir, elle n’avait pas fait montre de la plus habile expertise qui soit pour les résurrections. Et des résurrections, il y en avait eu un nombre conséquent, Zcyn étant assignée au frag et constituant du fait la cible privilégiée des monstres. Et autant les dizaines de morts de l’assassine, la pauvre Nazba n’y était pour rien, autant sur la migraine modèle géant d’icelle, consécutive au mal de rez, elle n’était pas exempte de reproches.

Zcyn cependant s’abstint de toute remarque sarcastique concernant l’inaptitude potentielle des familiers à tanker, du magicien du Chaos à infliger des dégats ou celle de la prêtresse à soigner, ce que Nazba attribua à tort à la bénignité et la mansuétude propres aux héros légendaires. En réalité, l’assassine ne prêtait aucune espèce d’attention au groupe, les nerfs tendus à l’idée de pouvoir à tout moment recevoir quelque message télépathique comme

(( Ne me fais donc pas attendre… Tu sais, mourir n’entamera pas ta légende. Au contraire. ))


Elle suivit donc sans mot dire le groupe de raid dont Moonkir le belluaire avait pris la tête, et qui après avoir levé les yeux au ciel une dernière fois sans prendre la peine de chercher à masquer son exaspération , s’engagea dans le donjon, précédé des deux tortues.

Les huit guildies mirent quelque temps à prendre leurs marques dans le dédale de couloirs et de salles, d’autant que seuls DarkMatter et Moonkir étaient familiers des lieux. La plupart des Villains du raid étaient désorientés par la géométrie inhabituelle, à l’exception notable de Maïnekrafft le Traqueur qui, quoique néophyte lui aussi dans ce donjon, semblait comme un poisson dans l’eau dans cet univers d’angle droits, de trous, de marches et de murets. Depuis ses débuts d’aventurier il bricolait ses arbalètes à partir de vieilles pioches, par souci d’économie au début et par goût ensuite, quand il s’était aperçu que les murs et les caves des donjons regorgeaient de minerais et matériaux de toutes sortes. Salpêtre, cristal, bauxite etc. Délaissant Palmir que possédaient pourtant les Villains, il passait l’essentiel de son temps aux Mines oubliées, solotant certaines galeries secondaires que les groupes négligeaient.
DarkMatter se contentait pendant l’essentiel des combats de sorts de bas niveau qui ne prenaient pas l’aggro et entamaient peu son énergie magique, et quand venait le moment d’achever le monstre il ajustait posément un sort plus puissant.
Moonkir s’était donné pour seule tâche de maintenir ses tortues en vie et se souciait peu du reste du groupe.
Zcyn passait sous Cape et contournait pour frapper par derrière, mécaniquement, se reposant sur ses réflexes et ses mécanismes routiniers, incapable de mobiliser suffisamment son attention pour porter des coups critiques.
Les Villains restants couraient dans tous les sens dès qu’un cube se tournait vers eux, et mouraient beaucoup. Ils étaient habitués à Palmir, avec ses monstres qu’ils connaissaient par cœur, qui ne prenaient l’aggro que très paresseusement et qui n’insistaient pas trop une fois le combat engagé. Darkmatter savait parfaitement qu’ils n’étaient pas prêts, que El Kassia aurait été plus approprié, mais en composant le groupe de raid il avait pris ce qu’il y avait de disponible.
Nazba soignait peu et ressuscitait beaucoup, s’asseyant le plus possible pour récupérer. Ce fut elle qui aperçut le koala.

Une fois abattu le pauvre animal, la progression du groupe devint nettement moins chaotique. Les tortues avaient désormais tout le temps de s’évertuer avec lenteur vers les monstres et de prendre posément l’aggro. Les Villains novices échappaient au cercle vicieux paniquer-fuir-mourir et, enhardis, se hasardaient, qui en décochant des flèches ou des carreaux, qui en tapant de son épée à deux mains, à porter eux aussi quelques coups aux cubes. Nazba était beaucoup moins sollicitée et avait même sorti sa masse, achetée il y a longtemps déjà mais comme neuve car elle servait peu. Le seul à ne pas se réjouir était Moonkir le Belluaire, qui voyait ses tortues se faire estourbir beaucoup plus vite et devait en invoquer deux nouvelles presque à chaque combat.

« Je n’en ai bientôt plus ! » annonça-t-il.
« - On est presque arrivés à l’antichambre du boss final » répliqua DarkMatter, non pas tant à l’intention de Moonkir qui le savait parfaitement mais à celle des novices du groupe, pour les rassurer.
« Une fois sur place j’aurai besoin d’une bonne vingtaine de minutes pour en rafistoler deux ou trois paires à partir de toutes celles qui ont péri. » reprit le Belluaire, « ça vous laissera le temps de vous préparer ».

Ladite antichambre fut en effet rapidement en vue. Les classes mago s’assirent dans un bel ensemble pendant que Maïnekrafft demandait la permission de revenir sur les pas du groupe afin de récupérer à grands coups de pioche les métaux précieux contenus dans les mécaniques cubiques abattues. Darkmatter aquiesça d’un geste de la main, dubitatif devant ce procédé de looter non pas les trésors défendus par les monstres, mais bien les monstres eux-mêmes.
Il finit par conclure que cette lubie du traqueur était en tout cas inoffensive et que sa collection de minerais rares pourrait bien un jour, le cas échant, s’avérer fort utile à la Guilde.
Il attendrait son retour pour faire son petit topo sur Butkadah et ses attaques, Fléau, Etourdissement, et sa fameuse attaque de douleur qu’il n’utiliserait vraisemblablement pas contre ces vulgaires sacs à points de vie qu’étaient les tortues de Moonkir, ces créatures si faibles, si ridicules et si peu dignes de lui. Puis il rappellerait les diverses techniques pour rester en vie, Prière céleste, Sushi de la Vallée de cristal, Régénération de la Fée etc.
Toujours assis, il sentait qu’il n’avait pas encore tout-à-fait restauré son énergie magique. De fil en aiguille ses pensées cheminèrent vers la chance qu’avaient à cet égard les classes guerrières, et c’est là qu’il s’aperçut que Zcyn n’était plus avec eux.

« Vermines misérables, que faites-vous en ces lieux ? »

Moonkir et Darkmatter se tournèrent l’un vers l’autre, interloqués. C’était le début de la tirade de Butkadah. Vermines misérables, que faites-vous en ces lieux Souhaitez-vous donc hâter l'heure de votre trépas N'avez-vous chevauché ces douzaines de lieues Que pour périr ici en servant de repas.

« Elle est rentrée. Toute seule. Sans attendre qu’on soit prêts. » comprit Darkmatter, atterré, sans se rendre compte qu’influencé par la tirade il venait lui aussi de faire un alexandrin.

Son couplet terminé, Butkadah s’était avancé vers Zcyn puis s’était soudain arrêté tandis que des gestes désordonnés agitaient ses multiples bras comme s’il voulait chasser un essaim de guêpes. Enfin il s’était complètement figé.

(( Voilà, j’ai le contrôle. A nous, maintenant! Hé, mais…))


La Villaine venait d’activer le parchemin du Village Caché. Dans un halo d’une lueur bleutée, elle disparut et se retrouva dans la Forêt Obscure.

(( Quelle déception… Gâcher un tel moment. Le point d’orgue de ton existence. Tu étais la dernière des six. ))


Zcyn eut tout juste le temps de jeter quelques coups d’œil autour d’elle pour se repérer, puis elle vit Butkadah se matérialiser à quelques mètres de là.

(( Ainsi tu as choisi de finir dans la couardise et l’indignité. Or donc, terminé les petits tours de passe-passe. Meurs ! ))


Les quatre bras de pierre se tendirent vers l’avant. Une sorte d’éclair jaillit. L’attaque de douleur.

Zcyn avait espéré que la première vague serait largement supportable, quelque-chose comme l’équivalent d’un gros coup de poing dans le ventre. Et c’était à peu près ça, en considérant un poing armé d’un gant de fer garni de longues griffes aiguisées. Sous la violence du choc, son corps se courba vers l’avant, comme au ralenti. Elle savait qu’il n’en était rien, que c’était au contraire sa pensée qui s’accélérait à l’approche d’une mort imminente. Elle vit aussi qu’elle ne saignait pas et que son armure était intacte.

« Mais ça fait un mal de chien ! Comment les tanks arrivent-ils à tenir ? »

En sa qualité qu’aventurière elle s’était souventes fois fait mordre, brûler, immobiliser, empoisonner, trancher et percer la couenne de taille et d’estoc, givrer, voire tout cela en même temps dès lors que le groupe de monstres offrait une certaine diversité. Elle était donc capable de résister à la souffrance jusqu’à un certain point et, là où un simple mortel se serait évanoui, réussit à se redresser et à reculer d’un pas.

« Allez… On y est presq … »

La deuxième vague la cueillit.
Le hurlement qu’elle aurait poussé se réduisit à un vague gémissement, les poumons tétanisés n’expulsant plus d’air.
Elle ne voyait plus rien, les yeux injectés de sang et comme prêts à sortir de leurs orbites. Tous les vaisseaux capillaires éclataient. La peau se fissurait sous le gonflement des muscles, les articulations se soudaient, les os se brisaient.

« Sa dimension… Son monde… Allez ma fille… Un pas…»

Butkadah la vit disparaître. Et comprit.

(( Nooooooooooooonnnn !...))



Si la Villaine avait pu l’entendre, elle en aurait peut-être souri. Mais elle n’entendait plus rien.
Zcyn était morte.



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Re: [RP] Zcyn

Messagepar zcyn » Jeu 24 Mar 2022 20:25

Zcyn LXX

épilogue(s)



Quasi au sommet d’une colline escarpée de l’Ile perdue, roulé en boule dans la nuit d’une clairière neigeuse, Sabaka considérait, un peu en contrebas, la meute de loups qui après quelques baillements rituellement repris par le reste du groupe, s’endormaient les uns à côté des autres.

Sa meute à lui, en fait, même si encore aujourd’hui il dormait un peu à l’écart et attendait prudemment que tous ses loups soient dans les bras de Morphée avant de s’autoriser à fermer l’œil lui aussi.
A l’état de veille il ne les craignait pas. C’en était même ridicule à quel point il prenait vite le dessus, de par non pas sa rapidité à lui mais leur lenteur à eux. Plus lents même que des humains, c’était dire. Esquiver l’attaque d’un congénère était un jeu d’enfant, avant de lui arracher un bout d’oreille ou deux sur la contre-attaque il avait même le temps de lui tirer la langue pour le provoquer, comme le faisait parfois sa maîtresse auparavant pour aggro les monstres.

Sa maîtresse… Elle n’était toujors pas revenue le chercher. Au début il se postait non loin du portail, guettant ce qui pouvait ressembler à une asura femelle aux cheveux pâles et portant doubles lames. Mais aucune n’avait eu son odeur, aucune ne l’avait appelé Sabaka. Même, il avait dû fuir des Vagues funestes, se soustraire à des sorts d’apprivoisement.

Sa silhouette se découpa un instant sur le ciel quand il hurla à la lune. Personne de son clan ne répondit. Ils dormaient tous.

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Les trois frères Mond toquèrent à la porte.
« Ma’am Fargdun ! »

Aucune réponse. Ils frappèrent un peu plus fort.
« On est Osmond, Desmond et Harmond. »
« On est les frères Mond, on est revenus. »

Une voix faible leur répondit d’entrer.
La vieille Fargdun était alitée. Ils restèrent sur le seuil de la chambre.

« On est allés là où vous nous aviez dit, Ma’am Fargdun «
« Oui, la Forêt Obscure, la maison en flammes. »
« On a vu une armure au sol »
« A moitié enfoncée dans la terre. »
« Une de ces armures modernes, légères et résistantes. »
« Nous on est pas près d’en avoir des comme ça, c’est du Septième rang, et de l’éthéré en plus. »
« Bref on s’est agenouillés autour et on a ouvert. »
« Mais respectueusement, hein Ma’am Fargdun »
« On a juste relevé la visière du heaume, bien précautionneusement. »
« Et y’avait rien, Ma’am Fargdun »
« Y’avait rien, l’armure était vide. »
« On peut retourner là-bas Ma’am Fargdun, si vous voulez qu’on vous la rapporte.»
« Elle est pas à notre taille de toute façon, on rentre pas dedans.»
« C’est tout ce qu’on a trouvé.»
« Ma’am Fargdun ? »
« Elle ne répond rien. Tu peux regarder, Osmond ? »
« Elle s’est évanouie » répondit Osmond le prêtre. « Mais ça va, le pouls et la respiration sont réguliers. »
« Bon du coup on va y aller, hein Ma’am Fargdun »
« Voilà on y va, reposez-vous bien Ma’am Fargdun »

Ils sortirent.

« Comment elle s’appelait déjà, sa petite-fille adoptive ?»
« Je n’arrive pas à me rappeler.»
« Moi non plus. C’est bizarre, on l’avait vue il n’y a pas tellement longtemps.»
« C’était une assassine. D’après l’armure en tout cas.»


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Assis à sa table de travail, plume d’oie à la main, Seita le druide terminait une série de calculs.
Il ouvrit un livre, un guide publié chaque année par le Conseil des guildes et qui répertoriait la plupart des monstres connus.

« Et donc, Fragil » lança-t-il à l’autre chef de la guilde des Paragon Nightmare, « d’après les résultats d’environ un millier de combats que nous avons menés le mois dernier contre les chats mardukans, la portée de leurs tirs est de soixante-six pieds et non pas de soixante pieds comme indiqué dans ce bouquin. Je m’en vais céans en informer les gens du Conseil. Bougon, ou peut-être même Buvenir. Grâce aux Paragon une fois de plus la connaissance des monstres progresse. On est efficients ! On est bons ! »

Fragil le paladin restait silencieux, promenant au dehors, par la fenêtre, un regard songeur.
« Oui, on est bons » finit-il par répondre, « on est bons, on est très bons mais…. »
« - Mais quoi ? » s’impatienta Seita.
« Mais on est juste ça. On reste des aventuriers, rien de plus. On n’est pas légendaires. »
« - Tu penses encore à cette fille, hein ? Celle qui se disait de la race des héros. »
« Oui. Elle le disait. Et avec une telle sincérité, une telle candeur. Comme la chose la plus simple du monde, la plus évidente. »
« - Et beaucoup s’y sont laissés prendre, à ce que j’ai entendu. Surtout dans les bas niveaux. Ces gens sont d’une naïveté. Et d’ailleurs quel était son nom encore, à cette fanfaronne de chez les Villains ? »
« Quand même Seita » s’indigna Fragil « elle s’appelle… euh… enfin c’est incroyable ! Je l’ai sur le bout de la langue. Une asurane, une assassine. Aux dagues. Ou aux épées. Pas moyen de me rappeler. Ni son nom. »
« - Tu vois Fragil, tu vois. La légende, la race des héros, tout ça c’est du boniment, de l’esbroufe. Des racontars de taverne. »


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Pour La rôdeuse, Guilde des Villains, Donjon de Palmir.

Hé petite,

C’est le vieux traqueur de Siraq ici, je t’écris à l’adresse de ta Guilde, ils transmettront.
(Tu vois quand j’écris, je n’ai pas ce petit tic de langage, tu sais, ils transmettront hon hon hon.)

Comme tu sais, je suis au Conseil des Guildes maintenant, je suis l’une des onze vieilles barbes. Et certes je serais peu fondé à m’en plaindre, à mon âge aventurier ça commençait à devenir difficile. Partir en chasse avant même le lever du soleil, s’embusquer en quelque endroit froid et humide, attendre un hypothétique groupe de monstres, se faire repérer une fois sur deux et les voir s’enfuir, ou bien réussir à les tomber et ne trouver quand même aucun loot, ça va quand on débute dans la carrière, mais quand vient le temps où les cheveux blanchissent et l’arthrite vous guette, quand on revient le soir dans sa cabane des faubourgs de la ville on commence à se demander de quoi demain sera fait.
Ici au Conseil, d’interminables couloirs où le moelleux des tapis s’allie aux alignements sévères des portraits des anciens Conseillers pour faire régner un silence empreint de gravité, constituent la seule promenade, menant à d’innombrables et identiques salons où de profonds fauteuils alignés en demi-cercle autour d’une vaste cheminée attendent les nobles séants des Conseillers, et où une foule de serviteurs discrets s’empressent autour de vous, qui disposant une chaufferette sous vos pieds, qui arrangeant les coussins de votre banquette.

Et pourtant… souventes fois quand de la tour de guet du Conseil je contemple l’horizon tandis que s’éloigne le serviteur qui vient de m’apporter une tasse de thé, la perspective de toutes ces zones autour de la ville, peuplées de monstres d’autant plus redoutables que la distance s’accroît, ravive tant de souvenirs…

Je m’égare, la Rôdeuse, mais en bref n’hésite pas à passer, nous irons taquiner les Fées rouges du lac Lenka. Je peux bien m’esquiver une heure ou deux de temps en temps, personne ne remarquera mon absence.

Hein, la Rôdeuse, passe, n’oublie pas.


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« Sire GrunMud, sire Grunmud… » se plaignit un des kobolds de la petite troupe, « sauf votre respect ça fait des semaines qu’on planque ici en embuscade, et il ne se passe rien, l’humaine qui nous a écrasés la dernière fois n’a plus emprunté ce sentier, ni personne d’ailleurs. On en a assez, ça ne sert à rien, on veut retourner au village. »

« Suffit avec ces jérémiades… » répliqua Grunmud le roi kobold, irrité qu’on ose mettre en question ses plans de conquête progressive du monde, étape par étape. « Elle est passée par ici, elle finira bien par repasser par là, la géante accompagnée de sa panthère-mastodonte. Et cette fois-ci on ne perdra pas. Et cette fois-ci notre embuscade sera couronnée de succès. Et notre marche vers la gloire ne s’arrêtera plus !»

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La main de SirWatson s’abattit avec fracas sur l’acajou de sa table de travail, faisant voler quelques éclats de bois. Non pas tant de par la violence du coup qu’à cause du gantelet de fer garni de pointes, part d’une armure dont il se départissait rarement.

« Comment ça, vous êtes revenus à sept ? » rugit-il. « On va passer pour quoi auprès des autres guildes, si on n’est même pas fichus de ramener tout le monde quand on fait un groupe de donjon ? Pour des baltringues ! »

Darkmatter l’élémentaliste, seul membre dudit groupe dans la pièce, ne savait trop quoi répondre. Le cas était en effet rarissime. Quand un groupe s’avérait trop faible pour tomber le boss final, voire un des boss du parcours, il n’insistait pas, il réanimait ses morts, retapait ses blessés et tout le monde reprenait ses cliques et ses claques, direction la sortie.

« On n’a pas bien compris… » commença DarkMatter « On se préparait pour Butkadah, les buffs, l’énergie magique, tout ça. On prenait notre temps, vu que Moonkir en avait encore pour une dizaine de minutes avant que ses tortues soient prêtes à tanker. Et puis d’un seul coup on l’a entendu, Butkadah qui récitait son couplet d’avant-combat. Tu sais, Vermines misérables … »

« Oui oui je sais, Que faites-vous en ces lieux etc etc » s’impatienta SirWatson qui en tant que tank de guilde était effectivement bien placé pour connaître les petits discours déclamés par les boss et censés intimider les aventuriers ou du moins donner une certaine solennité au moment.

« Donc forcément c’est que quelqu’un était rentré » reprit DarkMatter « Avec Moonkir on a pensé que c’était un des novices du groupe, mais ils étaient tous là, donc on a compris que c’était, euh, ben, l’assassine quoi. Moonkir a fait aussi vite qu’il a pu et quelque minutes après on est tous rentrés. Et là il n’y avait rien. La salle était vide »

« Vide ? » s’éberlua SirWatson. « Une salle de boss sans boss, ça n’existe pas ! »

« En fait il a fini par revenir » précisa DarkMatter d’une voix mal assurée et en regardant ses chaussures. « il a repop de nulle part. Et il était tout décontenancé, il agitait les bras, il secouait la tête, il regardait le plafond de la salle, le sol, comme pour s’assurer qu’il était bien chez lui. Il palpait les murs. Et nous, ben on s’est mis à lui taper dessus, on a envoyé tout ce qu’on pouvait vu qu’il ne réagissait pas. Pas de phase, pas d’enrage, rien. Il était à demi-vie quand il a fini par nous apercevoir, et donc même à sept on l’a tombé. Ensuite on s’est dit que la fille allait revenir aussi, on a attendu une demi-heure sur place, mais rien. »

« Et tu n’as pas d’explication ? Toi, le dormeur des bibliothèques, l’érudit de l’étrange, le spécialiste des dimensions, des téléportations, du magique en tout genre; pas même une hypothèse ? »

DarkMatter soupira.
« Vu la vitesse à laquelle ça s’est passé, la seule hypothèse cohérente est qu’elle a non seulement soloté Butkadah mais qu’elle l’a quasiment one-shot, ensuite qu’elle a déclenché un parcho de retour, et qu’à la suite d’un défaut de fabrication d’icelui elle s’est retrouvée un peu n’importe où, dans un endroit éloigné sans route ni sentier, tel qu’ un plateau montagneux ou une île. C’est des choses qui arrivent, les défauts de fabrication, même pour les marchandises du Village caché.«

« Elle a one-shot Butkadah. Ben voyons. » considéra SirWatson avec une moue sceptique. « Allez, on va dire que je lui donne trois jours pour revenir. Après quoi, tu appliques la procédure des cas de désertion. »

« Cela va de soi » acquiesça DarkMatter. « Je l’efface de nos registres, je fais vider son casier et je commence à regarder parmi les jeunes Villains prometteurs lequel on pourrait proposer pour le rang de Maître à sa place. »

« Oui, et de préférence pas une classe assassin » conclut SirWatson, parce-que bon, on est bien d’accord…

Les deux hommes reprirent en chœur :
« Un assassin, ça ne sert à rien. »
« Personne n’en veut. »
« On se demande pourquoi ça existe. »

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