Zcyn LX
Les maîtres étalons
Couchée dans la neige, Zcyn observait le Boss de champ en contrebas.
« Résumons », pensa l’assassine à voix haute. « J’ai moins d’allonge, je tape moins fort et il encaisse mieux que moi. Forcément, je perds à chaque fois. Ah ça, le premier coup passe parfaitement bien, je suis sous Cape. C’est tous les autres après qui ne vont pas. Zut et zut. Je suis dans une impasse, là. Comment je me débarrasse de lui ? »
Lui, c’était Draka, un boss secondaire et opportuniste. Il s’était approprié une part des territoires anciennement submergés de l’Ile perdue et qui avaient ressurgi pendant ces semaines, ces mois de chaos qui avaient suivi la défaite du maître jusque-là incontesté, le boss dragon Obsidikar, face à la guilde des RoxxorsDuPoney. Depuis, il protégeait vaguement la communauté de chats mardukans qui s’était établie dans la zone, et en retour recevait de copieuses offrandes de poisson.
Il avait certes été vaincu, ou plutôt provisoirement renvoyé vers son monde d’origine, par de nombreux aventuriers, y compris par des Villains, dont le premier avait été Hésac, le chef de Guilde, accompagné par ses trois conseillers DarkMatter, Moonkir et SirWatson. Plus tard, le même SirWatson était revenu pour aider MissPiggy et Tashia, les cousines MoneyPenny.
« Luerphédon, tu ne voudrais pas descendre et lui dire que je suis légendaire? »
Mais la panthère ne bougeait pas.
Désolée, ma grande. T’as vu la taille du bestiau ? Occupée qu’elle était à échafauder des plans d’attaque, l’assassine ne s’aperçut pas qu’elle était elle aussi épiée. Deux RoxxorsDuPoney, à savoir LegolasKevin l’archer et Pégéhemm le gladiateur, s’étaient cachés un peu plus haut.
« Tu sais, LegolasKevin » confia le gladiateur, « Les missions d’escorte, c’est vraiment pas ma tasse de thé. Je préfère tuer dix rats, à la limite. »
« Tu t’expliqueras avec le chef, alors.» répondit l’archer « Moi, je m’en tiens à ce qu’il a dit. Et il a été très clair. Faire tout ce qu’elle dit, ne surtout pas la contrarier. Surtout, surtout pas. Et la ramener dare-dare chez les Paragon Nightmare, à Lune Aride.»
Les deux hommes étaient les meilleurs de leur guilde, et donc probablement du monde, dans leur spécialités respectives. Physiquement, ils correspondaient parfaitement à ce que le chef des RoxxorsDuPoney recherchait chez ses capitaines. Aussi grands et larges d’épaules qu’un yéti adulte, et pas du genre à se poser des questions. S’il y avait un ennemi, ils tapaient dessus. Si l’ennemi était toujours là, ils tapaient encore. Totalement dévoués et loyaux envers leur Guilde, du moment que cela leur permettait de toujours bénéficier du dernier cri en matière d’équipement.
« Bon, elle se décide ? Elle va nous mettre en retard. Ah! Elle passe sous Cape. Allons-y! »
Faute d’avoir trouvé une tactique nouvelle, Zcyn venait de décider en effet de tenter encore une fois ce qui avait déjà échoué les neuf autres fois où elle était venue, l’attaque à l’instinct.
Ce jour-là cependant, Draka ne remporta pas une dixième victoire. Les frappes brutales de Pégéhemm, les flèches précises de LégolasKevin en décidèrent autrement.
Zcyn essuya les lames de ses épées, puis leva les yeux. Reconnaissant les emblèmes de Guilde, elle en conçut un certain courroux.
« De quoi? On me vole ma quête? On dirait que vous ne savez pas à qui vous avez affaire. Fichez le camp, les deux Roxxors, avant que je répande vos tripes sur la neige! Cela fera au moins plaisir à Draka, quand il reviendra. Encore que, même pas sûr qu’il en veuille.»
« Pardonnez notre intrusion dans votre combat, noble demoiselle Zcyn » s’excusa l’archer en s’inclinant. « Tout le butin vous revient, naturellement. Nous ne nous serions pas permis, si nous n’étions missionnés pour vous escorter jusqu’au donjon des Reliques. Vous faites partie de la sélection. »
Le gladiateur s’inclina à son tour et tendit un papier plié en quatre. La jeune fille reconnut l’écriture d’Hesac le sorcier, le leader des Villains. Elle reconnut son style aussi, plutôt… succinct.
« Suis-les. On t’expliquera sur place. »« Hé bien, je m’y résous, puisqu’il le faut » soupira l’assassine en froissant le message.
A Rondo, plus précisément au Conseil des Guildes, on se préparait également à se rendre à Lune Aride.
L’Intendant Karcinaum s’impatientait, ne tenait plus en place. Pourtant Il n’était pas du voyage. C’est Buvenir, le Premier conseiller, qui, à bord de la calèche officielle et escorté par des gardes en tenue d’apparat, parcourrait les avenues de Rondo, en franchirait le pont puis prendrait le chemin de Lune Aride.
Là, devant les chefs de guildes réunis, il adresserait officiellement ses vœux de succès aux aventuriers sélectionnés pour devenir les premiers Maîtres. Donnant ainsi son aval au projet élaboré des lunes auparavant par Karcinaum, son second, pour rendre les aventuriers plus forts. Un nouveau Rang, de nouveaux sorts, de nouveaux équipements. Et un nouveau donjon pour faire passer les épreuves.
Un donjon dont la construction avait coûté les yeux de la tête. Un Consortium avait été créé spécialement à cet effet, regroupant les banquiers les mieux établis, la guilde des RoxxorsDuPoney et de riches marchands de Rondo. Dans l’ombre, en retrait, Karcinaum tirait les ficelles.
Les artisans les plus renommés avaient répondu à l’appel, mus moitié par la crainte de déplaire au puissant Consortium, moitié par le désir de montrer leur savoir-faire en matière de charpentes, de magie, de voutes, d’automates, d’architecture.
La construction d’un donjon ! On n’avait plus vu ça depuis des siècles et des siècles. La dernière tentative en date, en lisière du Désert de Cériu, avait été un échec retentissant. Alors cette fois-ci, il s’agissait de ne pas rater l’occasion.
Des dizaines de bûcherons, d’ouvriers des carrières de pierre, de récolteurs de lak, avaient sué sang et eau pendant des mois. Les Mines Oubliées avaient été rouvertes pendant quelques semaines, certains filons de métaux ne se trouvaient que là. Beaucoup de pauvres bougres s’étaient présentés. Munis seulement de la pioche que leur louait le Consortium, et de l’espoir de peut-être se payer un premier équipement d’aventurier, ils avaient creusé sans relâche, prolongeant d’anciennes galeries épuisées, affrontant les fantômes d’anciens mineurs, remplissant les chariots métalliques d’un minerai que le même Consortium leur rachetait deux roupies la livre. Et beaucoup avaient péri.
Au final, la construction était en voie d’achèvement. D’ici quelques semaines, voire quelques jours, les réservoirs à lak seraient remplis, les portails seraient activés, prêts à téléporter les premiers aventuriers, ceux qui avaient été choisis pour devenir les premiers maîtres. Avec gourmandise, les créanciers, les banquiers qui avaient avancé l’argent, faisaient er refaisaient leurs additions, impatients de présenter la note. Une facture colossale. Qu’importeraient alors les réticences de Buvenir ?
« Il n’aura pas d’autre choix que de faire voter par le Conseil l’instauration de la Fiscalité » se disait Karcinaum tout en surveillant du haut de sa tour les préparatifs du départ, en contrebas. « Et dès lors, chacun, de l’humble pêcheur au fermier prospère, aura obligation de remettre la moitié de ce qu’il gagne au Conseil des Guildes. Aussi longtemps que le Consortium ne sera pas remboursé. Autant dire, aussi longtemps qu’il me plaira. »
Dans la cour d’honneur, la calèche avait été amenée. Les domestiques d’équipage s’affairaient autour d’elle. Des valets d’écuries entrèrent à leur tour, sans hâte, menant des chevaux par la bride. Les deux timoniers, les chevaux de l’arrière, étaient des bêtes placides qui se laissèrent harnacher sans faire de manières.
Mais avec celui de volée, un étalon noir, puissant, ombrageux, ce fut une tout autre histoire. Venait-il d’avoir été piqué par un taon ? Ou s’agaçait-il qu’on ne l’ait pas laissé finir son picotin d’avoine ? Il secoua d’abord la tête, hennissant, mordant sa bride. Puis il se cabra. Le valet qui le tenait tomba à terre. Les autres, munis de bâtons, de fourches, de cordes, firent cercle autour de la bête, essayant de lui attraper la crinière, de lui ligoter les pattes.
Mais l’animal, loin de se calmer, se dégagea d’une ruade, et se mit à arpenter la cour d’un pas nerveux, faisant demi-tour quand il arrivait face à un mur, et distribuant les coups de sabots. Pis, la tension commença à gagner les deux autres chevaux, ceux qui étaient déjà attelés. S’ils se mettaient eux aussi à ruer, la frêle calèche ne serait bientôt plus bonne qu’à faire du petit bois pour le feu.
Karcinaum se précipita dans l’escalier et dévala les marches. A mi-chemin il se trouva face au chef palefrenier, qui venait l’avertir.
« Maître Karcinaum ! Bucéphale est devenu fou ! On le tient plus, il a l’écume aux naseaux et… »
« Bucéphale, tu dis ? C’est son nom ?» l’interrompit L’Intendant du ton le plus calme qui soit. L’heure n’était pas à la colère. Oh, le châtiment viendrait, et il serait terrible, mais il y avait plus urgent. « De quel élevage provient-il ? »
« Verger de l’aurore » répondit immédiatement le palefrenier. « tenu par le maquignon Melchior ».
« Melchior… Le fils du maquignon Nestor, je suppose. Ou son petit-fils. Il parlait comment, déjà, Nestor…Il avait cet accent de la campagne… » continua Karcinaum pour lui-même, qui s’était remis à descendre les marches sans plus se soucier du domestique. En quelques secondes il fut dans la cour.
« Sortez ! Sortez tous ! »
Tout le monde se précipita au dehors. Les derniers à sortir furent ceux qui transportaient les blessés. Puis l’Intendant entendit le lourd battant de la porte cochère. Il était maintenant seul avec Bucéphale, lequel continuait, bien qu’empêtré dans divers liens, lanières et cordages, à aller et venir, à s’énerver, à s’emberlificoter, à s’énerver davantage.
« Bucéphale viel carne, fé-t-y donc point l’faraud, et cesse de t’en vindre ainsi de drett et de gauche, qu’on dirait girouette au vent. »
L’étalon s’arrêta net et secoua la tête, intrigué par ces intonations qui lui rappelaient ses années au Verger, quand il n’était qu’un poulain parmi les autres poulains. Il s’élança cependant à nouveau quand Karcinaum voulut s’approcher.
« Quelque-chose à lui donner… » se dit-il en parcourant ses poches tout d’abord, en vain. Puis la cour, du regard. « Une pomme! Voilà qui est parfait. » Bien ronde, bien rouge, apportée par quelque valet gourmand et cachée, assez mal, dans un creux de la margelle du puits.
« Oh mais Bucéphale qu’est-ce que j’avions là donc » reprit le mage en étendant le bras loin devant lui, la paume bien à plat, montrant le fruit. « C’est-y donc pour toué c’te pomme ? C’est-y donc pour toué ? »
Le cheval tendit le cou, comme pour mieux voir, ou mieux sentir. Puis il s’approcha d’un pas. Karcinaum ne bougeait plus, laissant la bête venir à lui, continuant à dire un peu n’importe quoi mais d’un ton affable et encourageant.
« Oh mais on n’étions point d’la si méchante carne. On se voulait juste une pomme. On se voulait sa pomme. Mais oui mais oui, prends-y donc ta pomme, et laisse mi donc t’enlever ces ficelles et c’te harnois qu’y t’avions mis tout de guingois, c’te bande de corniauds de valets de cornediable, qu’on en voudrait même point pour laver les pourceaux. »
Karcinaum ôta méthodiquement les diverses entraves. L’animal se laissa faire sans broncher et finit par poser sa tête sur l’épaule de l’Intendant, qui resta quelques instants à lui caresser l’encolure. Il ne s’agissait pas que l’étalon perçoive de l’impatience, de l’exaspération, et s’en reparte à faire des cabrioles.
Puis le mage jugea que bon, ça allait bien comme ça, que le but n’était pas de faire naître une merveilleuse histoire d’amitié entre un élémentaliste et un cheval mais juste que Buvenir, son supérieur, monte dans sa fichue calèche à l’heure prévue par les fichus services du Protocole, traverse au vu de tous la fichue capitale et s’en aille prononcer sa fichue allocution à Lune aride devant les fichus chefs de guildes.
L’Intendant étouffa un soupir de soulagement. Le désastre de dernière minute avait été évité. Il n’avait plus besoin de prendre sur lui, de maîtriser ses nerfs. Il pouvait s’abandonner à son humeur habituelle. Sa mauvaise, sombre, courroucée humeur habituelle.
« Rentrez ! Rentrez tous ! » aboya-t-il.
Las palefreniers, valets et autres domestiques revinrent dans la cour, penauds, tête basse, tenant leur casquette à la main. Pour ceux qui possédaient une casquette. Des gardes entrèrent aussi, par une autre porte, signe de l’arrivée imminente de Buvenir. C’est à eux que l’Intendant s’adressa.
« Le fouet pour tous ! Et qu’un tiers soit pendu ! »
Après quelques instants de cris, de confusion, de poursuites, un silence de cathédrale régna à nouveau. Le Premier conseiller parut enfin. Les gardes formèrent illico une haie d’honneur. Karcinaum quant à lui trottinait de-ci de-là en faisant force courbettes.
Sans mot dire, Buvenir monta dans la calèche, qui s’engagea d’abord dans les larges allées marbrées du parc, puis dans les avenues de Rondo. Les dimensions des roues avaient calculées de telle sorte qu’une fois assis sur la confortable banquette matelassée, tendue de cuir rouge, on soit un peu plus haut qu’un homme à cheval. C’était la seule calèche de la ville, et lui seul avait le droit de l’utiliser.
Les maisons, les rues défilaient, au pas des chevaux. Les gens lui adressaient des signes, ôtaient leur chapeau. Des enfants couraient vers lui en riant, quand le cocher marquait un arrêt. Et habituellement il répondait d’un geste bienveillant, d’une esquisse de sourire.
Mais aujourd’hui il restait impassible, les yeux dans le vague. Il se savait populaire. Sa gouvernance avait été une longue ère de paix et de prospérité. Son statut et son autorité de vétéran de la guerre contre la Sorcière lui avait permis de mettre fin aux incessantes escarmouches entre Laksy, Katan et Horizon. Il avait réussi à faire admettre la prééminence de Rondo, et à faire coexister pacifiquement les industrieux Gaians, les condescendants Devas et les paranoïaques Asurans.
Deux marchandes de fleurs lancèrent un bouquet, qui atterrit sur ses genoux. Il remercia d’un signe de tête.
« Dans quelques semaines, c’est des injures qu’elles me lanceront » pensa-t-il, amer. Il ne pouvait plus reculer davantage la promulgation de la Fiscalité, réclamée par Karcinaum, son subordonné. Qu’adviendrait-il ensuite ? Des images de foules en colère, de guerre civile, de villes en flammes, de cortèges de blessés, de gens en haillons lançant des pierres, lui revinrent à l’esprit. Des images de son enfance. Il cligna plusieurs fois des yeux, essuya d’un revers de la main sa joue ridée.
Ils étaient sortis de la ville, le cocher mit les chevaux au trot. Ils ne tarderaient plus à arriver.
En chemin eux aussi vers Lune Aride, LégolasKevin et Pégéhemm respectaient leur consigne de ne pas utiliser de téléporteurs, et d’éviter les routes principales. Ils s’attendaient donc certes à un trajet plus long qu’à l’ordinaire. Mais jamais ils n’auraient imaginé que la Villaine à escorter serait montée sur ornitho. Un ornitho! Bien incapable de suivre leurs oryx. Qui plus est, vexée de les voir ainsi mettre pied à terre dès qu’ils prenaient quelques centaines de mètres d’avance, Zcyn passait ses nerfs sur eux.
« Bon, les deux lourdauds. Vous voyez la plante là-bas ? Oui, dans le bosquet de ronces. C’est une sluginelle frugineuse. Ou peut-être une sluginelle commune. Rapportez m’en la racine. Hé bien, allez-y, rendez-vous un peu utiles. Ma grand-mère peut faire des potions avec ça. Enfin, sauf si c’est une sluginelle commune. Mais allez, dépêchez-vous donc un peu, on va arriver en retard à cause de vous. Qui m’a fichu des empotés pareils ? Ah ben oui, les ronces ça pique. C’est un peu le principe. J’attends…
…
Vous voilà, pas trop tôt.
Enlevez bien la terre, vous allez grignoter un peu la racine. Pas la peine que je rapporte une sluginelle si elle n’est pas frugineuse. C’est facile, la commune fait vomir.
Mangez. Hé bien allez-y, mangez-en un peu. Oui, tous les deux. Vous voyez, c’est pas si mauvais. Alors ? Ah. Je vois. C’est même pas une frugineuse. Vous servez à rien, en fait. «
Les contours de Lune Aride cependant commençaient à se dessiner dans le lointain, au grand soulagement des deux Roxxors. Zcyn les dépassa sur son ornitho.
« Suivez-moi à pied. Courir un peu, ça vous fera du bien ! »
Aux portes du donjon, le trio remarqua deux gardes d’Horizon, chargés de refouler vers Reliques Deux les éventuels aventuriers novices qui se présenteraient à l’entrée.
« C’est commencé, on peut plus vous faire rentrer par le portail. Venez, il y a une porte de service . Suivez le corridor jusqu’au hall, et surtout ne faites pas de bruit ».
Pégéhemm et LégolasKevin se précipitèrent. Ils venaient d’avoir la même idée. Le couloir était fort étroit. A eux deux, épaule contre épaule, ils en occupaient toute la largeur, et c’est ainsi qu’ils arrivèrent au seuil de la grande salle, et répondirent d’un hochement de tête discret au signe interrogateur de leur chef de Guilde. La mission d’escorte avait été menée à bien. Et elle était maintenant terminée. Derrière eux, bien incapable de passer ni même de voir, Zcyn gesticulait en vain, murmurant toutes sortes de protestations.
A l’intérieur, Buvenir achevait son discours.
« D’ici peu, chefs de guildes, ceux que vous avez désignés pour étalonner ce nouveau donjon vont devenir les premiers Maîtres. Je suis sûr, et le Conseil avec moi, qu’ils s’acquitteront de leur tâche avec application. Et que lorsqu’ils étrenneront leurs nouveaux sorts, leurs nouvelles armures, leur nouveau Rang, ils auront une pensée pour la population qui a consenti un effort très lourd. Et qui va encore s’alourdir.
J’en ai terminé. »
Il y eut quelques acclamations molles. Des chuchotements échangés.
«- Ben dis donc, je l’ai connu plus enthousiaste, le Buvenir. »
« - Avec tout le respect, c’était limite insultant. On va être des Maîtres, quand même ! »
Quelqu’un cependant se raclait la gorge, se préparant à parler fort et clair. SirWatson le Villain, Gladiateur de son état, attendait ce moment depuis fort longtemps. Des semaines durant, il avait ciselé une phrase courte, énergique, où il proclamait à la fois sa valeur, son courage, son dévouement à Buvenir, sa loyauté au Conseil, la fierté de représenter sa Guilde, et la conscience de sa responsabilité en tant que futur Maître.
Il avait même, à la bibliothèque de guilde, parcouru de nombreux livres à la recherche de formules épiques. Mais ça en valait la peine. Aujourd’hui, sa courte proclamation marquerait les esprits, serait répétée dans les tavernes. Aujourd’hui, Buvenir le remarquerait. D’un pas déterminé, il s’avança.
« Premier Conseiller! Moi, SirWatson, je… »
Sans le regarder, Buvenir lui fit signe de se taire. Il avait perçu comme des glapissements étouffés, et, intrigué, se demandait d’où cela provenait. Deux colosses de la guilde des RoxxorsDuPoney barraient l’entrée d’un couloir. D’un geste sec, sourcils froncés, il leur ordonna de s’écarter.
Son visage parut soudain moins accablé, et comme moins vieux, Les yeux bleus se firent presque rieurs tandis que devant lui, Zcyn s’était arrêtée de sautiller et arborait un sourire embarrassé.
« Forcément. De qui d’autre aurait-il pu s’agir ? » prononça le vieillard d’un ton sévère, que démentait son large sourire. « Cette petite cérémonie n’aurait assurément pas été complète sans vous. Bougon m’a relaté votre passage de Rang, qui fut plein de… surprises. C’est important, savez-vous, qu’il existe quelqu’un comme vous, doté de cette exceptionnelle capacité… »
« …à foirer les choses les plus simples, à perdre contre un louveteau. A être une sorte de clown. » faillit ajouter Buvenir avant de se reprendre. Ses hautes fonctions lui interdisaient ce genre de langage peu châtié. Zcyn se méprit et répondit à côté.
« J’y travaille chaque jour, bien sûr. Mais surtout je pense être née pour ça. Le destin m’a choisie. »
Buvenir ne l’écoutait plus. Avant de prendre congé, il parcourut l’assemblée du regard, adressant un salut de la main chaque fois qu’il reconnaissait un chef de guilde. Puis, entouré de son escorte, il quitta le donjon.
Immédiatement, l’atmosphère se fit plus chaleureuse, moins solennelle. Hésac, le chef de la guilde des Villains, prit la parole.
« Il nous reste à voir si nous sommes bien d’accord sur qui va étalonner pour quelle classe. Le but est de voir si le donjon n’est pas hors de portée. Si l’un de vous met plus d’une demi-heure, on refera les règlages.
Sorcier, c’est moi qui m’y colle.
Elémentaliste. DarkMatter, tu es sûr que tu ne veux pas? D’accord, donc Lucrécia des Roxxors.
Traqueur. DameDeCaro, des CoeursDePique. Albarran, tu confirmes? Parfait, c’est acté.
Cabaliste. FriendlyZombie, des SixMeuhTiers.
Gladiateur, Pégéhemm des Roxxors. »
SirWatson faillit s’évanouir. Gladiateur lui aussi, il avait compté que son chef de guilde le soutiendrait. Devenir le tout premier Berserker, c’était un point essentiel de son plan de carrière. Hésac marcha vers lui.
« Oui, Pégéhemm a un meilleur équipement que toi. Oui, c’est un Roxxor et on est obligés de leur donner pas mal de places vu que c’est eux qui ont payé le donjon. Mais, de toute façon, sur ses capacités intrinsèques, honnêtement je pense qu’il est meilleur que toi. «
Le sorcier reprit sa liste.
«Sagittaire. LegolasKevin, également des Roxxors
Chaman. PepsiDreamer des SertLeThé.
Druide. Seita des ParagonNightmare
Animiste SingularisPorcus des TourneBroche
Champion. Duguesclin, des CoeurDePique
Paladin Fragil des ParagonNightmare. Euh, que se passe-t-il ? »
Un gladiateur était sorti en hâte, la main sur la bouche, bousculant tout le monde sur son passage. Un petit groupe le suivit dehors. A genoux dans le sable, Pégéhemm vomit plusieurs fois puis se redressa, la figure verdâtre et boursouflée.
« ‘Tu t’es fait piquer? Mordre? Tu as touché un malade? Mangé quelque-chose ? » interrogea un prêtre.
« - De la..euh…fruginelle, je crois. » articula le gladiateur, avec difficulté.
Le prêtre leva les yeux au ciel.
« De la sluginelle ! Commune, je suppose. Normalement c’est bénin, mais tu dois avoir une prédisposition allergique. Je peux rien pour toi, il n’y a pas de blessure ni de saignement. Cela va passer tout seul, en quelques semaines. Et tu vas vomir toutes les dix minutes. »
Le petit groupe revint, laissant Pégéhemm à ses tourments. Hésac consulta ses homologues chefs de guildes puis fit venir SirWatson
« Je ne sais pas à qui tu le dois, mais tu vois, en fin de compte tu seras le premier Berserker. Allez, on a presque fini.
« Prêtre. BandAid des SoeursSourire.
Sage. FrèreTuck des SherwoodForEver
Belluaire. FoolFellow. Non, je plaisante. MoonKir, de chez nous.
Assassin. Là, le choix fera l’unanimité, je pense...”
Zcyn s’avança vers le centre de la salle.
« Mais il n’est pas là, comme vous vous en doutez bien » poursuivit le Sorcier. « J’irai chercher Crime-Sud moi-même, il a accepté que je vienne chez lui, à condition que je ne vous dise pas quand.
On a fait le tour, il me semble. »
Zcyn lui tapa sur l’épaule.
« Mais… et moi ? On me fait venir spécialement, et… rien ? »
Hésac se frappa le front.
« Zcyn ! On a failli oublier le principal. Tu vas étalonner le donjon sans considération de race ni de classe. «
« - Le meilleur temps, toutes classes confondues… Et bien, soit !» répondit l’assassine.
« C’est presque ça. » reprit le Sorcier. « C’est l’autre borne de l’étalonnage. Si tu mets moins de deux heures, c’est que c’est trop facile. »